Balade Estivale vers la butte

Par cette belle journée d’été, je vous propose aujourd’hui d’aller faire une balade scientifique dans les rues de Paris. Nous voici face au Sacré-Cœur, dominant Paris du haut de la Butte Montmartre, point culminant de la capitale. Ce village est un lieu de découvertes historiques et culturelles. Allons déambuler dans les ruelles du 18ème arrondissement, pour découvrir les scientifiques y aillant laissé une trace. Suivez le guide!

L’arrondissement de la Butte-Montmartre est divisé en 4 quartiers administratifs :

  • Quartier des Grandes Carrières
  • Quartier de Clignancourt
  • Quartier de la Goutte d’Or
  • Quartier de la Chapelle

Durant les XIXe et XXe siècles, Montmartre fut le repère de nombreux peintres : Toulouse-Lautrec, Picasso, Modigliani, Manet, Valandon-Utrillo… Vous pourrez ainsi découvrir la place du Tertre, le Moulin de la Galette, le Cabaret du Lapin Agile ou encore le Bateau-Lavoir, lieux où ces grands artistes avaient leurs habitudes.
Au pied de la butte, une revue féerique vous attend au Moulin-Rouge! Mais avant les plumes et les paillettes, direction les rues scientifiques de l’arrondissement de la Butte-Montmartre!

La rue Chappe et la rue Lamarck longent toutes deux la Butte et le Sacré-Cœur.
Claude Chappe (1763 – 1805) était un physicien qui inventa le télégraphe optique, également appelé « tour de Chappe ».
Cet instrument fut une véritable révolution dans le domaine de la communication. A l’époque, il fallait 4 jours pour qu’un message en partance de Paris arrive à Strasbourg. Cette durée fut réduite à 2 heures grâce à son invention, basée sur la transmission de messages codés entre des stations espacées d’une dizaine de kilomètres et situées sur des points élevés. Les messages étaient constitués d’une suite de signaux qui, lus à l’aide d’une longue-vue depuis la tour précédente, étaient reproduits pour être lus par la tour suivante. En quelques années, 5000 kilomètres de réseau et près de 533 stations furent mis en place, couvrant ainsi une grande partie du territoire français.
Jean-Baptiste de Lamarck (1744 – 1829) était quant à lui un naturaliste qui utilisa pour la première fois le terme « biologie » pour parler de la science des êtres vivants, qu’il considérait être une science autonome.
Il se passionna pour l’étude de la botanique et enseignera la zoologie des invertébrés au Muséum National d’Histoire Naturelle de Paris. Son livre « Système des animaux sans vertèbres » présente pour la première fois une classification méthodique des animaux invertébrés et sera le point de départ de sa grande oeuvre, « Histoire naturelle des animaux sans vertèbres ».

Continuons de longer la rue Lamarck afin d’arriver rue Becquerel, rendant hommage à Antoine Becquerel (1788 – 1878), premier physicien notoire de sa lignée. En effet, son fils fut également un grand scientifique avec qui il va découvrir l’effet photovoltaïque, production d’électricité à partir du rayonnement solaire. Son petit-fils, Henri Becquerel, a quant à lui partagé le prix Nobel de Physique avec Pierre et Marie Curie pour la découverte de la radioactivité.

La route que nous empruntons à présent, et qui nous fait passer devant le fameux cabaret du Lapin Agile, nous mène jusqu’à la rue Lucien Gaulard.
Lucien Gaulard (1850 – 1888) était un chimiste qui déposa de nombreux brevets sur la fabrication de la pâte à papier ou encore sur le tannage des peaux en cuir. Il utilisa ses compétences en électricité pour accélérer le processus de transformation des peaux en cuir. Il fut également l’inventeur du transformateur électrique, système de conversion qui permet d’élever ou d’abaisser la tension et l’intensité d’un courant électrique.
A quelques pas d’ici nous attendent la rue Darwin puis la rue Nobel, rendant hommage à deux scientifiques du XIXe siècle de grande renommée.
Charles Darwin (1809 – 1882) est un naturaliste anglais dont les travaux sur l’évolution des espèces ont révolutionné notre vision du monde. Il embarque en 1831 à bord du navire le Beagle pour une expédition autour du monde qui durera quatre ans, neufs mois et cinq jours.

Durant ce périple, il étudia la faune, la flore et les fossiles, remplira ses livres de bord de multiples observations et récoltera de nombreux échantillons. A son retour en Angleterre, il publie son journal de voyage « Voyage du Beagle » qui rencontre un vif succès. Il lui faudra plus de 20 ans pour ordonner toutes ses observations et publier « L’Origine des espèces », où il expose le mécanisme par lequel les espèces évoluent en s’adaptant à leur milieu : c’est la théorie de l’évolution.

Alfred Nobel (1833 – 1896) était un chimiste et fabriquant d’armes suédois. Son nom reste mondialement connu pour le prix Nobel, qui récompense des personnes ayant fait progresser la recherche ou la société, mais saviez-vous qu’il était également l’inventeur de la dynamite?

En compactant de la nitroglycérine en pains solides, mis dans des tubes en carton pouvant ainsi être maniés sans danger, il créé la dynamite. L’exploitation du brevet associé à cette invention fera la fortune de Nobel, dont il laissera l’essentiel à une fondation destinée à décerner chaque année les prix de physique, chimie, médecine, littérature mais aussi de la paix (le prix Nobel d’économie ne sera fondé qu’en 1968). Albert Einstein disait de lui : « Il inventa un explosif plus puissant que tout ce qui existait auparavant, un extraordinaire moyen de destruction. Pour calmer sa conscience, il créa les prix Nobel. »
En nous dirigeant vers la Porte de Saint-Ouen, nous traversons la rue Francoeur. Louis-Benjamin Francoeur (1773 – 1849) était un mathématicien qui enseigna dans de nombreuses écoles prestigieuses telles que l’Ecole Polytechnique ou la faculté des sciences de Paris. Il consacra également beaucoup de temps à des travaux de vulgarisation scientifique. On lui doit divers ouvrages sur les mathématiques et l’astronomie. Restons dans le domaine des mathématiques et rejoignons la rue Leibniz, du nom de Gottfried Wilhelm Leibniz (1646 – 1716). Mathématicien mais également philosophe, théologien, physicien et historien, il cultiva et perfectionna presque toutes les branches des connaissances humaines. Il est l’un des fondateurs de l’analyse mathématique, qui traite, entre autres, des dérivées et des intégrales. On lui doit également une machine à calculer, capable d’effectuer toutes les opérations arithmétiques élémentaires par des moyens purement mécaniques, mais qui ne sera jamais commercialisée.

On reprend notre chemin vers la rue Bonnet, dont le nom est rattaché au naturaliste Charles Bonnet (1720 – 1793), qui se passionna pour… le puceron!
Il décrit la parthénogenèse de cet insecte, qui désigne la reproduction monoparentale. Certaines espèces animales ont en effet la faculté de donner naissance à un ou plusieurs individus sans avoir recours à la fécondation. Plus anecdotique, le nom de Bonnet reste attaché à un syndrome survenant chez des personnes âgées présentant un déficit visuel, donnant lieu à des hallucinations en tout genre. Il raconte le cas de son grand-père qui, presque aveugle, disait percevoir des personnages, des oiseaux ou encore des voitures attelées. Charles Bonnet en fut également atteint vers la fin de sa vie. Le nom de ce syndrome ne sera cependant utilisé pour la première fois qu’en 1967 par le neurologue George de Morsier.

L’hôpital Bichat-Claude Bernard à quelques pas d’ici, explique la présence d’une multitude de médecins dans les environs. Nous allons croiser tour à tour la rue Jules Cloquet, la rue Henri Huchard, la rue Louis Pasteur-Vallery-Radot et enfin la rue du Docteur Babinski.
Jules Cloquet (1790 – 1883) était un chirurgien et un anatomiste hors pair. Dessinateur de grand talent, il reproduit et décrit de nombreux éléments d’anatomie, laissant derrière lui une oeuvre d’anatomie considérable. Il s’intéressera également à de nouvelles méthodes thérapeutiques comme l’hypnose et l’acupuncture. Bon nombre de ses collègues, qui ne prenaient pas ces pratiques au sérieux, se moqueront ouvertement de son enthousiasme.
Henri Huchard (1844 – 1910) était quant à lui un cardiologue et neurologue. Il découvre l’hypertension artérielle et laisse son nom à cette pathologie : la maladie de Huchard. Il travailla dans de nombreux hôpitaux parisiens et soigna de nombreux malades pendant le siège de Paris par les Prussiens, en 1870-71.
Son contemporain, Joseph Babinski (1857 – 1932), fut également un neurologue de grande renommée. Son nom reste attaché à un réflexe, qui consiste à

une extension des orteils (surtout du gros orteil) suite à une stimulation cutanée plantaire.

Le dernier médecin dont j’aimerais vous parler est Joseph-Louis Pasteur-Vallery-Radot (1886 – 1970). Spécialiste des allergies et des maladies rénales, il est surtout connu pour être le biographe de son grand-père, l’illustre Louis Pasteur. Il œuvra à garder vivante sa mémoire en lui consacrant plusieurs volumes.

Quittons le quartier de l’hôpital. Nous voici rue Jean-Henri Fabre, faisant référence au naturaliste et entomologiste du même nom, Jean-Henri Fabre (1823 – 1915). Professeur de physique pendant plusieurs années en Corse, il tombe sous le charme de cette île et en étudie la faune et la flore. Il s’intéresse tout particulièrement aux insectes et son oeuvre « Souvenirs entomologiques » lui vaudra d’être qualifié par Darwin « d’observateur inimitable » en raison de la précision de ses expériences, de ses découvertes sur la vie et les mœurs des insectes.

Tournons à droite pour prendre la rue Camille Flammarion, du nom de l’astronome Camille Flammarion (1842 – 1925). Il a écrit de nombreux ouvrages sur l’astronomie et fut rédacteur scientifique du journal « Le Siècle ». La vulgarisation de la science tenait une place très importante dans sa vie. Il donna des conférences publiques et il fonda la Société Astronomique de France ainsi que l’Observatoire de Juvisy-sur-Orge. En récompense de ses travaux sur la vulgarisation de l’astronomie, on lui décerne la Légion d’honneur en 1912.

Direction maintenant la porte d’Aubervilliers où la rue Charles Hermite, la rue Gaston Darboux, la rue Gaston Tissandier et la rue Charles Lauth se suivent les unes les autres.
Charles Hermite (1822 – 1901) et Gaston Darboux (1842 – 1917) étaient deux mathématiciens, qui travaillèrent dans différentes branches de cette discipline : les fonctions, la théorie des nombres, l’intégration, les équations ou encore la géométrie. Ils furent tous deux membres de l’Académie des Sciences.
Gaston Tissandier (1843 – 1899) et Charles Lauth (1836 – 1913) étaient, quant à eux, deux chimistes. Gaston était un spécialiste de l’analyse des gaz, un météorologiste ainsi qu’un aéronaute. Il a effectué de nombreuses ascensions et fut le recordman, avec son frère Albert, de la durée de vol la plus longue à bord du Zénith en 1875. Leur voyage entre Paris et Lanton, près d’Arcachon, dura 22h40. Quelques années plus tard, les frères Tissandier fabriquent un ballon dirigeable avec une hélice mue par un moteur électrique, et effectuèrent ainsi en 1883 la première ascension en dirigeable électrique.
S’envoyer en l’air n’était pas l’intérêt premier de Charles Lauth. Il préférait les colorants et les parfums et améliora d’ailleurs cette industrie en mettant au point une méthode d’obtention de composés aromatiques. Il sera directeur de l’Ecole Supérieure de Physique et de Chimie Industrielles (ESPCI) pendant 7 ans et président de la Société française de chimie en 1883.

Notre balade dans les environs de la Butte se termine par la rue Cavé qui porte le nom du mécanicien François Cavé (1794 – 1875). Il crée ses propres ateliers (les ateliers Cavé) dans le quartier de la Goutte d’Or, où seront construites ses nombreuses inventions : des machines-outils, des machines à vapeurs, des locomotives, des navires, etc. Il construit pour le compte d’un ingénieur anglais une grue, capable de soulever une charge de plus de 20 tonnes.

Nous voici au terme de notre balade près de la jolie Butte. Merci pour votre écoute et, à présent, place aux strass et aux paillettes du cabaret du Moulin Rouge!

Amélie Cabasse (Voyages au coeur de la Science)

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