Est-ce que l’Univers est infini ? (question de Colin)
Je pourrais te taquiner en te demandant ce que signifient les mots « Univers » et « infini » de ta question, mais je préfère commencer par te frustrer en te donnant une réponse courte : « on ne sait pas, mais ce n’est pas très important. » Paf ! Et maintenant, j’explique tout ça, mais ce n’est pas un sujet simple, il faudra lire lentement, et peut-être en plusieurs fois.
Il y a 14 milliards d’années s’est produit le « Big Bang » qui fait gonfler l’espace : toutes les galaxies s’éloignent les unes des autres comme si elles étaient des raisins secs dans un cake qui gonfle en cuisant dans ton four. Avec 2 grosses différences, à part le goût.
La première grosse différence entre l’Univers et un cake est que le cake a des bords : un raisin sec peut se trouver à la surface du cake et même tomber du cake dans le four. Mais par définition, si l’Univers inclut tout ce qui existe, il ne peut pas avoir de frontière avec quelque chose d’autre. Il n’y a pas « d’extérieur » à l’Univers . L’Univers n’a donc pas de limite : tu peux partir en fusée aussi vite que tu veux (même plus vite que la lumière si tu veux) dans une direction quelconque pendant un temps très long, tu n’arriveras pas à sortir de l’Univers.
Mais ça ne veut pas dire que l’espace soit infini. Il est difficile de s’imaginer un volume 3D sans limites qui soit fini (les mathématiciens y arrivent), mais pour des surfaces 2D c’est facile. Imagine une grosse sphère, par exemple une montgolfière, ou encore un « tore » comme une chambre à air de gros camion. Une fourmi pourrait se promener dessus (ou dedans) très longtemps sans rencontrer de frontière et elle pourrait se demander si elle se trouve sur un espace infini, ou juste très grand. Comment pourrait-elle le savoir ?
- Elle pourrait marcher très longtemps dans la même direction jusqu’à ce qu’elle revienne peut-être à son point de départ. Si elle n’y revient pas elle continuera à se poser la question : faut il continuer ou est-ce sans espoir ? Et si elle revient à son point de départ, elle devra recommencer dans une autre direction pour s’assurer qu’elle n’est pas sur un cylindre de longueur infinie, par exemple. Dans notre Univers, des chercheurs comparent les images du ciel très lointain pour voir si par hasard on ne verrait pas les mêmes objets dans des directions très différentes, ce qui prouverait que l’Univers est « enroulé » sur lui-même. Jusqu’ici, ils n’ont rien trouvé de concluant.
- Si la fourmi était plus maline, elle pourrait dessiner le plus grand triangle possible et mesurer la somme des angles du triangle. Si elle obtient exactement 180°, elle saura qu’elle vit sur une surface plate comme une feuille de papier. Si elle obtient plus de 180° elle saura qu’elle vit sur (ou dans) une sphère qui a une « courbure positive », et si elle obtient moins de 180° elle saura qu’elle est sur (ou dans) un tore, qui a une « courbure négative » :
Même si c’est difficile à imaginer, ceci est toujours valable en 3D. Différentes expériences dont les mesures du satellite WMAP ont mesuré la courbure de l’espace dans lequel nous vivons et trouvé qu’il est soit tout plat, soit un tout petit peu recourbé en forme de sphère ou de tore, mais très très peu . Donc on ne sait pas actuellement si l’Univers est plat, et donc infini, ou s’il est fini et enroulé sur lui même comme une sphère ou un tore vraiment énormes.
Mais à cause de la deuxième grosse différence entre le cake et l’Univers, ça n’a pas beaucoup d’importance. Dans l’Univers, les galaxies / raisins secs s’éloignent très vite les uns des autres. Ceux qui sont à la distance de 40 milliards d’années lumière de nous s’éloignent de nous à la vitesse de la lumière. Et ceux qui sont plus loin s’éloignent de nous plus vite que la lumière, donc leur lumière ne pourra jamais nous parvenir : ils sont en dehors de ce que nous appelons l’Univers observable.
Nos télescopes sont aujourd’hui capables de voir presque tout ce qui est dans notre Univers observable, qui est donc une énorme sphère de 40 milliards d’années de rayon centrée sur nous. C’est très grand, mais pas infini.
Et maintenant, combinons les deux choses que nous savons : si l’Univers est courbé, il l’est tellement peu que son rayon de courbure est au moins 7 fois plus grand que l’univers observable : nous savons donc que l’Univers est nettement plus grand que tout ce que nous pouvons observer, mais ça n’a pas vraiment d’importance de savoir s’il est infini ou pas parce que tout ce qui est en dehors de notre Univers observable n’a aucun effet sur nous, comme si ça n’existait pas.
Auteur : Dr Goulu du blog http://drgoulu.com/
Illustratrice : KaM du blog http://kamsblog.org/
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