Info ou intox : Il faut attendre deux heures avant d’aller nager après avoir mangé.

Qui ne l’a pas entendu, enfant? Tous les parents – ou presque – vous le diront : il faut attendre une heure, une heure et demie, voire deux heures après avoir mangé avant d’aller se baigner. Sous peine de crampes, d’hydrocution, de noyade, de mort ou d’autres désagréments du genre. Même pour un petit sandwich de rien du tout.

Alors, clarifions tout de suite: c’est un mythe… Encore une belle intox qui essaie de se faire passer pour une info. En effet, personne à ce jour n’a pu établir de corrélation entre les noyades et le contenu de l’estomac.

Farfouillons un peu pour en savoir plus.

Qu’est-ce qu’une crampe ?

Selon la version française de wikipédia, une crampe, c’est :

un trouble du système musculo-squelettique caractérisé par une contraction douloureuse et temporaire d’un muscle. Les crampes surviennent plus souvent au niveau des fléchisseurs des bras ou des jambes.

S’il y a un lien entre les crampes et l’alimentation, disons qu’il n’est pas très fort. Certes, une alimentation équilibrée joue un rôle dans la prévention des crampes (hydratation, magnésium, potassium, calcium…), mais ça ne se joue pas dans l’heure… Accessoirement, avoir une crampe pendant une baignade ne semble vraiment dangereux que si on panique.

Qu’est-ce qu’une hydrocution ?

C’est vrai qu’on parle aussi d’hydrocution pour justifier cette mise en garde. Alors, une hydrocution, c’est quoi? Toujours selon Wikipédia France :

Une hydrocution est un choc thermique entre un être humain et un environnement aquatique. Elle provoque un arrêt cardio-ventilatoire qui entraîne généralement une perte de connaissance suivie d’une noyade si le sujet n’est pas sauvé rapidement. Ce terme dérive du mot électrocution lui-même dérivé du mot exécution.

Là, c’est du sérieux, effectivement. On ne plaisante pas avec les chocs thermiques. Sauf qu’il n’y a une fois encore, aucun rapport avec l’heure du repas ou le contenu de l’estomac…

Alors… D’où vient cette histoire?

Tout ce qu’on sait des origines du mythe, ce que la première trace écrite a été retrouvée dans un manuel de “scoutisme pour garçons” de 1908

First, there is the danger of cramp. If you bathe within an hour and a half after taking a meal, that is, before your food is digested, you are very likely to get cramp. Cramp doubles you up in extreme pain so that you cannot move your arms or legs — and down you go. You may drown — and it will be your own fault.
(Tiré de http://www.snopes.com/oldwives/hourwait.asp#5VaddV2vb3qtZlGB.99)

Traduction

D’abord, il y a le danger de crampes. Si tu te baignes dans l’heure et demie qui suit ton repas, c’est à dire, avant la fin de la digestion, tu auras très certainement une crampe. La crampe te fera te plier sous la douleur extrême. Tu ne pourras plus bouger tes bras et tes jambes – et plouf, tu pourras te noyer – et ce sera de ta propre faute.

Sympa, l’esprit scout. “Tu mourras et ce sera de ta propre faute”. Ou comment traumatiser des générations entières de gosses en toute impunité.
En fait, comme souvent avec le principe de précaution – qui est toujours appliqué sans discernement – on fait en vérité plus de dégâts en croyant les éviter:

On enseigne des âneries à nos enfants en leur apprenant à se contenter de liens de cause à effet complètement improbables. C’est presque un crime contre l’esprit critique;
On torture de pauvres gosses innocents, pour rien. Et pas juste parce qu’on les culpabilise pour rien, mais déjà simplement parce que deux heures, c’est long, surtout deux heures de frustration pour un enfant!
On augmente de fait les véritables risques, notamment l’insolation et les coups de soleil, en empêchant les enfants de se rafraîchir aux heures les plus chaudes. De plus le fait de rester plusieurs heures sous le soleil entraîne une augmentation de la température du corps ce qui augmente également le risque d’hydrocution.

Enfin en cette période de championnats du monde de natation, avant d’aller vous baigner, pensez à ces nageurs professionnels qui mangent avant leur compétition pour éviter l’hypoglycémie. Sont-ils en danger du haut de leur petit plongeoir ?

Texte original : Alan Vonlanthen pour Podcast Science

Adaptation : Vincent Giudice pour Kidi’science

13 Responses to "Info ou intox : Il faut attendre deux heures avant d’aller nager après avoir mangé."

kantfredo dit :

11/08/2015 à 14:50

Il faut mieux aller dans l’eau juste après manger ou carrément attendre 3h, tout simplement car entre 30 minutes et 3h c’est le pic d’activité de la digestion, et ça fatigue énormément de digérer, on appel ça l’alcalinisation sanguine postprandial.
Dans le cas d’un gros repas de vacance …. cette « fatigue » peut être un facteur favorisant la fameuse hydrocution.
Cela étant dit, le problème n’est pas vraiment d’aller dans l’eau après manger mais surtout d’aller dans l’eau après avoir bronzé recto-verso sur la plage pour ensuite plonger soudainement …

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1. Ekho dit :
  
  19/08/2015 à 08:04
  
  J’avais la même information, pour ma part.
  
  Issu d’une famille qui vit depuis longtemps au bord de l’eau, je n’ai jamais eu cette contrainte d’attendre après un repas, avant d’aller à l’eau… Par contre, quand j’étais gosse, j’étais très étonné de voir mes camarades contraints par cette « règle »…
  
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Cyrilleg dit :

11/08/2015 à 14:56

Sympa cette explication. Bon en dehors du bash sur l’esprit scout 😉
Je vous invite à lire le livre « Scouting for boy », qui en dehors du fait de contenir quelques informations erronée comme celle-ci, est vraiment bien foutu. Il ne faut pas oublier qu’il date du début du siècle précédent. La science et l’éducation n’étaient pas aussi avancée, il est normal d’y trouver des choses qui sont aujourd’hui connue comme fausse (celle-ci, il y en a sur la tuberculose aussi…).

En conclusion, et dans tout les cas, pour éviter les heures les plus chaudes avec les enfants le plus simple reste d’être en décalage horaire par rapport à l’habitude (heure du repas, etc.) et ainsi esquiver les heures les plus chaudes justes après le repas 😉

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Viges dit :

11/08/2015 à 15:05

En fait le problème est énergétique. La digestion demande beaucoup d’énergie au corps (d’où la somnolence après un repas copieu), et la natation aussi. Une détresse peut donc avoir lieu. Les joggers le savent: faire du sport tout de suite après manger est une mauvaise idée, il faut que le corps coupe la digestion pour avoir l’énergie qu’il faut… Un rototo et c’est passé, quand ça passe 😉
Après il faut considérer la différence entre baignade et nage. J’ai bien mangé, je me baigne en entrant doucement dans l’eau, aucun problème. Par contre, je vais pas me mettre à faire des longueurs vers le large, là, il y a un risque.
Sinon merci pour l’origine scout de cette ‘information’, ça me fait penser au mythe de la masturbation qui rend sourd, qui nous vient d’un vendeur de potions miracles du XVIIIe siècle…
La connerie dure. Longtemps.

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Thibault dit :

11/08/2015 à 19:43

Je ne suis pas de ceux attendant catégoriquement 2H avant d’aller se baigner.
Je n’avais pas encore entendu cet argument des « crampes » et en effet ça semble peu probable.

Cependant, votre article sans retenue quelconque me paraît un peu dangereux.

Sans être médecin, je sais que l’estomac « travail » après un repas : le sang s’y concentre.
Aussi, nous avons tous +/- ressenti cette lassitude après un gros repas : envie de dormir / faire la sieste.

Il serait intéressant d’avoir une explication plus médicale des phénomènes qui interviennent en post-digestion.

Mais j’en retiens qu’avoir une activité sportive (nager) après un repas n’est probablement pas le moment le plus judicieux. C’est plus intensif pour l’organisme.
Moins de sang dans le cerveau ?
Fatigue ?
Estomac / nerf vagal / appuye sur le coeur => ralentissement du coeur.

Bref le facteur risque est augmenté.

Je le vois comme un principe de précaution est non d’une « torture ».

On pourrait bien évidemment l’appliquer différemment d’une personne à une autre, suivant sa forme physique, son état de santé, de fatigue, la quantité de nourriture ingérée, son expérience…
Mais il est plus simple de se contenter d’un principe de précaution généraliste car on n’a pas tous un médecin à disposition.

Enfin, votre dernier argument est inapproprié.
Un nageur professionnel est par définition… un professionnel.
Il a une grande expérience de la natation et de son corps, contrairement au novice lambda.

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Jivay dit :

11/08/2015 à 21:21

Aaaahlala les gens qui diabolisent le scoutisme parce-qu’ils y connaissent rien… On parle d’un truc pour apprendre aux jeunes à être indépendants dans la nature, et comme c’est pas Bear Grylls on mâche un peu le travail. Qui plus est le jeune scout reste sous la responsabilité légale de son chef qui n’est pas toujours là (parce-que le jeune peut être en autonomie, seul ou avec d’autres scouts), contrairement au bouquin auquel ils peuvent se référer en général s’ils ont un doute sur quelle plante ou champi peuvent être mangés ou comment faire un piège à lapins. Pour ce qui est du risque d’insolation, toujours en parlant des scouts puisqu’ils sont le sujet de cet ouvrage, le même livre en parle justement, et indique comment s’en protéger. Qui plus est d’une manière générale ça fait partie des trucs qu’on rappelle, si ce n’est tous les jours, au-moins une trouzaine de fois avant le départ en autonomie.

Après on parle d’un bouquin qui date de 1908. Les textes ont été largement révisés (avec la participation de Bear le cas échéant), le public a évolué, et surtout on ne parle pas de la brochure du poste de secours de la plage où de toutes façons tu ne pourra jamais te baigner parce-qu’elle est trop pleine et que tous les gamins on déjà pissé et chié dans l’eau.

Après si cette légende traumatisante te dérange, n’aies surtout pas peur de faire ton devoir d’adulte à défaut de celui d’éducateur, et expliques donc aux enfants ce qu’il en est vraiment.

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1. Alan dit :
  
  24/08/2015 à 16:45
  
  Salut,
  
  Je diabolise le scoutisme, moi ? Première nouvelle… Moi qui pensais naïvement que non seulement je n’y connaissais rien mais qu’en plus cela ne n’intéressait pas particulièrement…
  
  Pour être clair, ceci n’est pas un article sur le scoutisme, mais sur un mythe. Il se trouve que ce mythe trouve son origine dans un manuel de scoutisme de 1908. Désolé, ce n’est pas moi qui l’ai inventé, c’est un fait. D’ailleurs, j’ai bien précisé 1908 histoire de ne pas laisser planer d’ambiguité quant au contexte et de rester factuel.
  
  Oui, la « légende traumatisante » me dérange. En tant qu’adultes, je pense que nous avons plusieurs responsabilités vis-à-vis de nos gosses. Notamment, les aimer, les soutenir, les guider, les protéger, les respecter. Mais en aucun cas leur faire peur en leur racontant n’importe quoi ; ce serait carrément contraire à pratiquement tout ce que je viens d’énumérer.
  
  Ce que je comprends de l’esprit scout, c’est qu’il consiste à favoriser l’apprentissage de l’autonomie en s’appuyant sur des valeurs de solidarité, de responsabilités et d’engagement.
  Pour moi, être autonome suppose avant tout de pouvoir faire des choix informés. Ce n’est pas exactement ce qui est prôné quand on leur assène « tu pourras te noyer – et ce sera de ta propre faute » sans qu’il y ait derrière l’argument le moindre ancrage dans la réalité. D’où ma remarque ironique.
  
  Ravi, dans tous les cas, d’apprendre que la mention ne figure plus dans les éditions contemporaines (je m’en doutais un peu, à vrai dire). Savoir reconnaître ses erreurs et les corriger, ça c’est un chouette message à transmettre à nos enfants 🙂
  
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  1. Skrol29 dit :
    
    26/08/2015 à 17:58
    
    Je me fais juste critique de mouches en passant :
    
    Je diabolise le scoutisme, moi ? Première nouvelle…
    
    Tu as écrits « Sympa, l’esprit scout […] Ou comment traumatiser des générations entières de gosses en toute impunité ». Donc, sans t’en rendre compte semble-t-il, tu ironises sur l’esprit scout en général ; et ta formulation induit que cet esprit scout en général a traumatisé des générations entières.
    
    Voilà, j’arrête mon esprit critique de mouche.
    
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    1. Alan dit :
      
      26/08/2015 à 22:25
      
      Effectivement, j’ai ironisé sur l’esprit scout, pour les raisons évoquées dans mon premier commentaire : il me semble complètement incompatible avec la formulation « tu pourras te noyer – et ce sera de ta propre faute ». Et c’est bien sûr à cette dernière que je reproche d’avoir traumatisé des générations de gamins.
      Tu ne vas me dire que tu la cautionnes, si ?
      Bécots
      Alan
      
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      1. Skrol29 dit :
        
        28/08/2015 à 15:08
        
        Je la condamne grave.
        Et à moins qu’on trouve d’autres phrases de ce genre dans le monde scout, je ne pense pas que cela reflète l’esprit scout.
Thibault dit :

15/08/2015 à 22:50

Vidéo sérieuse et complète sur le sujet : https://www.youtube.com/watch?v=N3mQl9zk4po

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Skrol29 dit :

28/08/2015 à 15:15

Merci pour ce billet qui dénonce clairement une intox qui est carrément devenu une légende urbaine.

On peu renforcer l’argumentation en rappelant que les surveillants de piscine et de plage ne prennent pas du tout en considération ce mythe lors de leur reprise de surveillance après leur repas.

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Vianney BRÉARD dit :

29/08/2015 à 12:20

Plutôt que de ne pas faire s’il existe le moindre risque, apprenons à comparer le risque de faire à celui de ne pas faire !
Pour l’exemple du risque de se baigner après un repas, cet article du blog Kidisciences a l’intérêt de montrer qu’il existe des risques biens réels à interdire le bain dans les 2h suivant un repas alors que les risque d’un bain après un repas n’ont jamais été démontrés !

Il ne faut pas oublier le versant sociologique pour mieux appréhender les problèmes soulevés par le principe de précaution. A ce sujet voici 2 références à consulter :
– « L’inquiétant principe de précaution » de Gérald BONNER et Etienne GEHIN au PUF
– « La planète des Hommes – réenchanter le risque » du même Gérald BRONNER

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