Quand les plantes kidnappent des mouches
L’Arum d’Italie et l’Arum Maculé (Arum italicum et Arum maculatum) appartiennent aux Aracées, une famille de végétaux aux allures excentriques, dont les membres sont souvent appréciés par les jardiniers pour leurs valeurs ornementales. Si la plupart des Aracées sont des plantes tropicales, nos deux Arums sont des plantes sauvages bien réparties sur le territoire français (l’Arum d’Italie est surtout présent dans l’ouest du pays), préférant les sols forestiers, c’est-à-dire riches en matière organique végétale et ombragés.
Vous avez probablement déjà remarqué leurs fruits lors de vos promenades estivales : leurs baies rouges à maturité forment des grappes qui se dressent comme des périscopes par-dessus la litière forestière et son couvert permanent (Lierre grimpant et autres plantes locataires des sous-bois).
Ces fruits, tout appétissants qu’ils puissent paraître, sont toxiques pour l’homme. Nos deux Arums font malheureusement partie de la liste noire des centres anti-poisons, car il arrive que les plus jeunes les confondent avec le légendaire arbre à bonbons de nos comptines !
Arum d’Italie et Arum Maculé sont proches comme peuvent l’être des jumeaux, mais quelques détails peuvent nous permettre de les distinguer.
Chez l’Arum d’Italie, les feuilles apparaissent dès l’automne : elles sont donc visibles en hiver. Les feuilles matures ont souvent une forme de fer de hallebarde (on dit qu’elles sont hastées), parcourues de veines blanches plus ou moins marquées.
L’Arum maculé présente souvent des feuilles tachées de noir, en forme de fer de hallebarde ou de pointe de flèche (on dit qu’elles sont hastées ou sagittées). Celles-ci sont visibles à partir du printemps seulement.
Enfin, et c’est le moyen le plus sûr de différencier nos deux spécimens, la grosse tige au centre de l’inflorescence — nommée spadice — est jaunâtre chez l’Arum d’Italie, contre un spadice violet chez l’Arum maculé… Et qui dit fleur particulière dit forcément reproduction particulière !
Nos deux Arums sont des vivaces qui se multiplient efficacement depuis leur tubercule (reproduction végétative). Ils sèment également chaque année de nouvelles générations ; leur reproduction sexuée est forcément croisée, c’est-à-dire que deux plantes sont nécessaires (un Arum ne peut se féconder tout seul). Et pour parvenir à leurs fins, nos plantes sauvages ont mis au point un stratagème digne d’une plante carnivore…
Stimulés par les rayons du soleil, l’Arum d’Italie et l’Arum maculé laissent échapper à maturité une odeur d’excréments et d’urine. Les effluves nauséabonds s’avèrent plaisantes pour les petites mouches qui viennent s’engouffrer jusque dans leur base.
Une fois dans la base de l’inflorescence, les mouches se retrouvent piégées: des filaments situés à l’étranglement du «cornet» empêchent les insectes d’en ressortir. Les mouches capturées s’agitent dans leur prison: ainsi, celles qui sont déjà porteuses du pollen d’un autre Arum fécondent les organes femelles de la plante (1). 24 heures plus tard, les fleurs mâles arrivent à maturité et les insectes captifs se couvrent de pollen (2). Finalement, les filaments flétrissent, libérant les otages qui se jetteront surement dans une autre embuscade végétale, un peu plus loin (3)… Ainsi, d’un kidnapping à un autre, les mouches assurent la fécondation des Arums qu’elles visitent, bien malgré elles!
Norb (photos, dessins et texte) www.sauvages dupoitou.com
Laisser un commentaire