La forme des œufs !
Nous voilà bientôt à Pâques et les œufs en chocolat fleurissent les rayonnages des boutiques … Donc, on a pensé qu’un article consacré aux œufs pourrait t’intéresser.
T’est-il déjà arrivé de t’interroger sur la forme des œufs (nous ne parlerons ici que des œufs d’oiseaux) ? Tu as sûrement en tête, comme beaucoup d’entre nous, cette forme ovale et non symétrique qui caractérise beaucoup d’œufs comme ceux des poules qu’on achète en magasin ou à la ferme pour notre consommation.
Alors pourquoi ne sont-ils pas ronds ? En réalité, pourquoi ne s’agit-il pas de sphères ? Parce qu’à priori, ce serait plus facile à fabriquer ?
En fait, on se trompe un peu, parce que certains œufs de certaines espèces d’oiseaux sont bel et bien ronds…
En réalité, ils présentent une diversité incroyable de formes, selon l’espèce dont ils proviennent.
Alors sait-on ce qui explique cela ?
Est-ce que cela a à voir avec la façon dont les oiseaux font leur nid ? Est-ce que l’évolution a joué un rôle et a conduit à un changement de forme au cours du temps ?
Pour comprendre ce mystère, les scientifiques (d’une étude récente datant de 2017) ont observé des photos de presque 50 000 œufs répertoriés à travers le monde depuis une centaine d’années, ont pris des mesures caractéristiques de leur forme et regardé à quelles espèces et quelles familles d’oiseaux ils appartenaient. Plus de 1400 espèces ont été passées en revue (on en connaît environ 10 000).
En balayant toutes ces données et en prenant des mesures très précises, ils se sont aperçus de la grande diversité de formes : ainsi, il existe des œufs tout ronds pour certaines espèces de chouettes (par exemple la Chouette épervière) et des œufs très allongés pour d’autres tels que ceux du Guillemot de Troïl, un oiseau marin… Entre ces extrêmes, on a toute la gamme de formes intermédiaires.
Les études consacrées à la compréhension de la formation des œufs (on parle de morphogenèse) indiquent que c’est la membrane interne de l’œuf qui lui donne sa forme et non sa coquille comme on pourrait le penser. En effet, lorsque la coquille est dissoute (par du vinaigre par exemple, tu pourras faire l’expérience), on observe bien que la forme est gardée.
En fait si l’œuf a cette forme allongée, ovale et non symétrique (les deux pôles ne sont pas identiques), c’est lié aux caractéristiques de la membrane qui n’est pas homogène : selon l’endroit où on regarde, elle est plus ou moins épaisse et possède une densité, et une orientation de fibres de collagène variable. Mais pourquoi ? Quels sont les facteurs qui peuvent jouer un rôle dans l’affaire.
C’est cette étude, datant de 2017, qui va finalement apporter un éclairage assez convaincant à cette question.
Les hypothèses
De nombreuses hypothèses ont été formulées pour tenter d’expliquer cette grande diversité.
Cela peut être lié à l’environnement dans lequel l’oiseau évolue : selon les conditions climatiques ou les ressources présentes (y a-t-il suffisamment de calcium dans le milieu, élément minéral essentiel pour synthétiser la coquille ?) et l’endroit où il va installer le nid (plus l’œuf est pointu moins il aura de chance de rouler et de se casser, primordial s’il est à flanc de falaise).
La forme peut aussi être liée au nombre d’œufs par ponte (la forme joue sur leur surface et une plus petite la surface peut permettre d’optimiser la récupération de chaleur, notamment lorsqu’il y a peu d’œufs dans le nid).
Certains scientifiques ont aussi émis l’hypothèse de l’influence de la maturité du petit oiseau à l’éclosion. Pour des espèces où l’oisillon est déjà très mature, l’œuf doit permettre une très bonne oxygénation : avec un œuf de forme un peu pointue, la partie extrême est plus poreuse (riche en petits trous) laissant passer plus d’oxygène, bénéfique pour la maturation du cerveau.
Une autre hypothèse est liée à la performance du vol de l’espèce. Comme nous le verrons plus loin, il pourrait y avoir un lien avec la forme des œufs.
Toutes ces hypothèses ont donc été testées : l’étude a cherché à relier les caractéristiques physiques des œufs aux autres paramètres (nombre d’œufs, type de nid, position du nid, environnement, performance du vol…).
De l’importance du vol
Le résultat de l’analyse a montré que la forme de l’œuf est en grande partie influencée par la performance en vol de l’espèce. Si l’oiseau est une espèce qui sollicite beaucoup « le vol » pour des migrations ou pour chercher sa nourriture sur de longues distances, l’œuf sera plus allongé et plus dissymétrique (pointu).
Mais comment explique-t-on ce lien ?
Pour les oiseaux qui doivent voler de façon efficace, l’évolution et la sélection naturelle ont favorisé une silhouette plutôt élancée, aérodynamique qui permet de mieux se déplacer ce qui diminue la taille de cavité abdominale et l’oviducte est plus étiré avec un diamètre plus petit.
L’oviducte, c’est cet organe par lequel transite l’œuf depuis le lieu de fécondation (ou même s’il n’y a pas fécondation d’ailleurs) jusqu’à la glande coquillière, c’est-à-dire son point de sortie (appelé cloaque).
Donc c’est dans une portion particulière (appelée isthme) de l’oviducte que la membrane de l’œuf se forme (juste avant la dernière étape où la coquille se met en place autour de la membrane).
Avec un oviducte allongé, l’isthme est très fin ce qui étire la membrane dans le sens de la longueur : l’œuf prend la forme d’une ellipse.
Ainsi, les scientifiques de cette étude ont mis en évidence l’influence de l’efficacité du vol sur la forme de l’œuf pour un grand nombre d’espèces. Ils ajoutent quand même que pour certaines espèces, d’autres explications sont également en cause (notamment la maturité des petits à la naissance, ou le nombre d’œufs par nid). Mais ce sont des effets de moindre importance.
Alors, on te dit « Bonne chasse aux œufs » et dépêche toi de les ramasser car ils risquent de fondre s’il fait du soleil et alors là, la forme risque de changer !
Auteur : Pascale Baugé du blog Le Monde et Nous
Référence :
Stoddard et al., « Avian egg shaphttp://lemondeetnous.cafe-sciences.org/e: Form, function, and evolution », Science 23 Jun 2017: Vol. 356, Issue 6344, pp. 1249-1254
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