Le grand voyage des plantes sauvages… En chanson (partie 1) !
On les appelle mauvaises herbes ou herbes folles… Elles sont les fleurs vagabondes de nos jardins, de nos trottoirs, de nos villes et de nos campagnes, des plantes que personne n’a semées, à jamais sauvages et libres. Durant deux semaines, Kidiscience vous raconte les exploits héroïques de ces aventurières du macadam, qu’on appellera «Sauvages»… Tous à vos loupes !
Au premier abord, le mouvement semble différencier les plantes des animaux: les végétaux restent «plantés» pendant que l’animal se promène. Pourtant, les fleurs sauvages aussi ont le goût du voyage. Vous l’avez sans doute remarqué: aussitôt chassée du jardin, la «mauvaise herbe» (qui n’a peut-être rien de mauvaise) revient. Mieux encore, voilà que pousse sur le trottoir une fleur qui n’était pas là l’année précédente. Mais d’où vient-elle?
La stratégie des plantes est double. Premièrement, il s’agit de stocker sous terre un maximum de graines. Les générations futures attendent le retour de conditions favorables, parfois des années durant, avant de germer. Le sol est une gigantesque banque de semences en train de roupiller, prêtent à jaillir au moindre rayon de soleil !
Deuxièmement, les Sauvages cherchent à envoyer leur descendance vers d’autres horizons et à conquérir de nouveaux territoires. Faute de pouvoir escorter leurs petits elles-mêmes, les plantes s’en remettent à autrui, comme elles s’en remettent déjà au vent et aux abeilles pour assurer leur reproduction. C’est l’histoire de cet incroyable voyage qui nous intéresse. Et puisque la nature nous «enchante», c’est en chanson que se poursuit la leçon du jour !
Un Coquelicot bien établi,
Né sous le signe de la barochorie,
Se plaint un jour de voir tomber
Toutes ses graines sur ses pieds…
« Les fleurs aussi rêvent d’étoiles,
Si je pouvais, j’mettrais les voiles! »
Le premier couplet de cette valse champêtre parle de barochorie (prononcez «barokorie»): c’est l’art de s’en remettre à la gravité. Telle la pomme qui tombe sur la tête du promeneur malchanceux, les graines chutent simplement au sol. La méthode à l’avantage d’être simple, même si elle ne promet pas de grands voyages. Reste que la gravité est une amie sur laquelle on peut toujours compter !
« Voler je sais, dit Pissenlit,
J’suis docteur ès anémochorie,
Seulement la Lune, n’y compte pas:
Le vent choisit seul où il va…
Et comme personne ne pousse en l’air,
Si je pouvais, j’irais sous terre! »
La plante anémochore (prononcez «anémokore») est experte dans l’art du vol plané: c’est le vent qui assure le transport de ses graines (anemos est le vent en grec). Tous les moyens sont bons: parachutes à plumes pour les Pissenlits, hélicoptères miniatures pour les Érables… Les plantes anémochores sont des championnes de la distance, capables de voyager sur des centaines de kilomètres. Mais il faut aimer l’aventure, parce qu’avec le vent, l’atterrissage peut se faire n’importe où, en forêt, au beau milieu de l’eau ou en haut d’un building !
« Violette dit: myrmécochorie,
Comprenez à dos de fourmis,
C’est sûr on s’enfonce de suite,
Mais les fourmis creusent bien trop vite…
Comme les fleurs pointent vers le ciel,
J’préférerais un dos d’hirondelle! »
La myrmécochorie est une agence de voyage spécialisée dans la randonnée à dos de fourmis. Les graines des plantes myrmécochores sont équipées d’une partie nutritive et charnue qui appâte les insectes. Les fourmis emportent les semences sous terre, jusque dans leurs fourmilières, quand elles n’abandonnent pas le colis en cours de route. Qui sait, avec les fourmis comme pilotes, on peut même réussir à semer à flanc de mur ou de falaise!
« Faut pas s’emballer dit Merisier,
Endozoochorie: c’est mon métier!
Les oiseaux prennent mes noyaux,
Mais dans leur cul, jamais sur leur dos…
Comme personne n’aime le caca,
Si je pouvais, j’laverais tout ça! »
Les plantes endozoochores invitent les animaux à béqueter les fruits, pour que les semences voyagent dans leurs intestins avant de se faire rejeter ailleurs… Dans leurs crottes! La stratégie demande aux graines d’être capable de résister aux sucs digestifs. Certaines adeptes du «taxi-crotte» enveloppent leur progéniture d’une coque si dure que le processus digestif devient indispensable pour ramollir l’enveloppe protectrice. Le Merisier des oiseaux est un célèbre arbre endozoochore : ses cerises digérées par les oiseaux ont bien plus de chance de germer que lorsqu’elles tombent directement à terre… C’est bien connu: les voyages forment les Merisiers !
Rendez-vous au prochain épisode pour chanter ensemble leurs couplets suivants: les fleurs sauvages nous réservent encore quelques belles surprises: bateau, voiture, train, avion, chats, chiens ou même votre bas de pantalon… Tous les moyens sont bons pour voyager !
Dessins, photos et texte : Norb de Sauvages du Poitou
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