Prix Nobel au féminin : May-Britt Moser et le GPS neuronal
Après Youtou Tu et le traitement du paludisme, voici une autre des 17 femmes Prix Nobel en sciences. Si tu as la patience de nous suivre, nous allons peu à peu te parler de toutes ces femmes extraordinaires.
May-Britt Moser est une neuroscientifique norvégienne qui a obtenu, avec son mari Edvard Moser et avec le chercheur britannique John O’Keefe, le prix Nobel en physiologie et médecine 2014. Les découvertes de ces 3 chercheurs ont permis de comprendre comment nous nous orientons dans l’espace et mémorisons un parcours pour nous y retrouver par la suite.
Ces fonctions complexes de notre comportement sont restées longtemps incomprises. En effet, on ne savait pas comment les hommes et les animaux peuvent s’orienter, reconnaître un lieu et aller d’un point A à un point B, mais surtout quelles étaient les structures physiques du cerveau qui exécutent ces fonctions.
La découverte des “cellules de lieu”
En 1971 John O’Keefe avait découvert que certaines cellules du cerveau d’un rat s’activent quand l’animal se trouve dans un endroit précis d’une pièce, alors que d’autres cellules s’activent quand il se trouve dans un autre endroit de la même pièce. Il en déduit que, grâce à ces cellules qui se trouvent dans une structure du cerveau appelée hippocampe, le cerveau forme une “carte” de la pièce : pratiquement une carte spatiale des lieux visités par l’animal se forme à l’intérieur du cerveau. C’est incroyable, non ?
En outre le cerveau se souvient de cette carte. Est-ce que ça t’est déjà arrivé, par exemple en vacances, de dormir dans un hôtel et de te réveiller la nuit à l’improviste ? Parfois il faut quelques instants pour comprendre que nous ne sommes pas chez nous. C’est parce que le cerveau garde en mémoire une carte de notre chambre et il lui faut quelques secondes pour “refaire” la carte de la nouvelle chambre.
La découverte des “cellules de grille”
May-Britt Moser et son mari Edvard, après leurs études en psychologie, ont commencé à s’intéresser aux bases biologiques de certains comportements, comme la mémoire et l’apprentissage. Leurs premières découvertes ont démontré que seule une partie de l’hippocampe, la partie dorsale, est fondamentale dans le déplacement des rats dans l’espace.
Après avoir obtenu leur doctorat, ils ont travaillé pendant quelques mois dans le laboratoire de John O’Keefe. Cela a été la période la plus enrichissante de leur vie d’un point de vue scientifique.
Plus tard, en 2005, ils ont commencé à étudier une petite partie du cerveau située au-dessous de l’hippocampe et reliée à celui-ci. Elle s’appelle « cortex entorhinal » et participe aux fonctions de l’odorat et de la mémoire. Les Moser ont trouvé dans cette structure, un nouveau type de cellules nerveuses, également impliquées dans l’orientation, qui forment des connections avec celles observées par John O’Keefe. Ces nouveaux neurones, appelés cellules de grille, constituent notre système de positionnement qui rappelle le fonctionnement du GPS. Comme le GPS, ce système nous donne des informations sur notre position dans l’espace et sur la manière de se déplacer d’un point à un autre.
La chose très étonnante est que, si on relie ces cellules entre elles, ça donne un motif en forme de grille, d’où leur nom. Cela veut dire que ces neurones forment des interactions précises : si on dessinait ces interactions sur une carte, ça donnerait une grille. C’est comme une carte fixe à laquelle on ferait référence quand on se déplace. Voici le mécanisme d’orientation!
Travail et famille
May-Britt Moser travaille depuis toujours avec son mari : ils partagent les mêmes intérêts, le même enthousiasme et la même envie de découvrir. Ensemble ils ont travaillé dur en dédiant une bonne partie de leur temps libre à leurs recherches. Et quand leurs deux filles sont nées, le laboratoire a été pour elles une deuxième crèche. May-Britt les a aussi emmenées aux congrès scientifiques, n’hésitant pas à les allaiter sur place.
Le pouvoir de la détermination
Quand elle parle des débuts de sa carrière, May-Britt Moser se rappelle combien elle devait insister pour obtenir ce qu’elle voulait. Par exemple son futur mari et elle voulaient à tout prix faire une thèse avec le professeur Per Andersen, pionnier de la physiologie de l’hippocampe. Le problème est que lui, il ne voulait pas de psychologues dans son laboratoire où ne travaillaient que des médecins et chercheurs en neurosciences. Mais elle s’est imposée de ne pas sortir du bureau de Per Andersen avant d’avoir eu une réponse positive… et elle a eu gain de cause. Elle raconte avoir toujours été très agréable et polie dans sa vie, mais si elle voulait obtenir quelque chose… personne ne pouvait l’arrêter. Donc les filles et les garçons, on prend exemple, on ne lâche rien !
Texte de Ludmilla du blog Ludmilla.science. Vous pouvez la suivre sur Twitter et sur Facebook
Dessins de Seedious. Vous pouvez le retrouver sur Facebook
Pour en savoir plus
https://www.nobelprize.org/nobel_prizes/medicine/laureates/2014/may-britt-moser-bio.html
Hélène Merle-Béral 17 femmes Prix Nobel de sciences, Editions Odile Jacob 2016
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