Qui se ressemble s’assemble ?

Nous avons vu dans le précédent article que les paléontologues, biologistes et anatomistes observaient et comparaient les être vivants entre eux mais aussi avec les fossiles pour en déduire des relations de parenté.

Attention aux mauvaises interprétations
Il faut toutefois se méfier car la ressemblance n’est pas forcément synonyme d’une origine commune. En fonction du milieu dans lequel vit une espèce animale (ou végétale) et des sources de nourriture disponibles,
la proportion de certains caractères dans le groupe peut progressivement changer au fil des générations si ces caractères sont plus avantageux et mieux adaptés. La survie des individus ayant les parfaites caractéristiques pour ces conditions de vie est effectivement favorisée, et ce sont donc ceux-ci qui vont se reproduire et perpétuer l’espèce (relire notre article sur l’évolution et la sélection).

L’espèce peut ainsi, sur un temps généralement très long (allant de plusieurs dizaines d’années à plusieurs millions d’années), présenter de nouveaux caractères ou bien en perdre d’autres secondairement, s’ils ne sont pas directement utiles pour sa survie. C’est le cas du coccyx chez les humains, un os vestige, témoin de la queue qu’avaient autrefois nos ancêtres, disparu à la suite de l’acquisition de la bipédie (marche sur deux pattes).

Ainsi, des animaux qui n’ont pourtant aucun ancêtre commun “récent” peuvent parfois finir par se ressembler et adopter des caractères physiques tellement similaires qu’il devient difficile de les reconnaître comme étant d’origines différentes, sans analyses plus poussées : on parle d’homoplasies, ou de structures analogues

Par exemple, la présence de nageoires est un caractère qui est apparu indépendamment plusieurs fois au cours de l’Histoire :
Les dauphins et baleines (mammifères marins) n’ont aucune parenté directe avec les requins (poissons), mais ils ont pourtant des silhouettes assez proches car certaines de leurs caractéristiques, comme évoqué précédemment, ont été avantagées car plus adaptées aux exigences de la vie aquatique et de la nage. 

Schéma illustrant les différences entre un mammifère marin (le dauphin) et un poisson (le requin)

Ce qui permet encore de différencier les baleines des poissons est notamment la conservation des glandes mammaires au cours du temps, la présence de poumons pour respirer (les obligeant à revenir régulièrement à la surface), à la différence des poissons qui utilisent des branchies. Les baleines ont de plus perdu leurs dents, remplacées par des fanons, des sortes de peignes filtrants plus adaptés pour capturer la nourriture et que l’on ne retrouve que chez les cétacés.

Il est donc important de toujours rechercher les caractères spécifiques de certains groupes (homologies), pour établir les relations entre différents individus et ne pas simplement s’arrêter à leur apparence générale. 

Parlons des ailes…
Un autre exemple connu d’homoplasie est l’apparition des ailes : les oiseaux comme les chauves-souris et les insectes ont chacun développé la capacité de voler mais ces ailes n’ont pas du tout la même origine et ne se sont pas développées au même moment dans l’évolution. C’est ce qu’on appelle une convergence évolutive

Les ailes ont d’abord été développées très tôt par les insectes (420 millions d’années), avant d’être adoptées par les ancêtres des oiseaux et gallinacées (volailles) : des dinosaures volants plumeux ou à ailes membraneuses ayant survécu à l’extinction de la majorité des dinosaures, il y a plus de 66 millions d’années.  

Oui, les oiseaux ont des origines dinosauriennes, vous en doutiez mmmh…?

Un descendant des dinosaures : l’autruche -Photo d’Adriann Greying

La trace la plus connue de dinosaure volant est l’Archéoptéryx (150 millions d’années). Les études scientifiques ont montré que sa morphologie était assez proche de celle des oiseaux actuels lui permettant probablement de réaliser des vols sur de courtes distances, un peu comme les faisans, lui permettant d’échapper à ses prédateurs. Sa place dans la classification est d’ailleurs encore discutée, puisqu’il est parfois décrit comme dinosaure volant, et d’autres fois comme l’un des premiers oiseaux primitifs.

Illustration de Michel Long

Plus récemment, il y a 50 millions d’années (enfin récent, récent, ça dépend pour qui…), ce fut au tour des chauve-souris de prendre leur envol : ce sont les seuls mammifères ayant des ailes pouvant battre activement, là où les autres utilisent le vol plané (comme certaines espèces d’écureuils). Elles ne sont pas composées de plumes mais d’une membrane de peau fine et de muscles, tendue entre ses doigts. La flexibilité de ces ailes, combinée avec la légèreté des os ainsi que d’autres mécanismes (écholocalisation, vision nocturne…) rend le vol des chauve-souris particulièrement silencieux et adapté pour la chasse nocturne. 

Photo d’une chauve-souris en vol

Il existe également des exemples dans le monde végétal. Pour survivre à des conditions particulières de température, d’ensoleillement, de disponibilité de l’eau, ou encore de salinité (quantité de sel), des plantes d’origines différentes peuvent adopter quelques caractéristiques similaires !

On peut retrouver des plantes à épines ou aiguilles dans les déserts, comme les cactus, là où il fait très chaud et où il y a peu d’eau, mais aussi dans les forêts boisées d’Europe, comme les sapins. Dans le premier cas, les feuilles ont fait place à des épines en réduisant leur surface foliaire pour éviter de perdre leur eau par évaporation. 

A l’inverse, pour les sapins, la présence d’épines plutôt que de feuilles classiques leur permet de mieux résister à l’hiver, en continuant à produire un peu d’énergie grâce à la lumière (en faisant de la photosynthèse). Même si la production est minime en hiver, cette forme de feuille est idéale pour éviter de geler et ainsi de perdre de l’énergie en fabriquant de nouvelles feuilles à l’arrivée du printemps, comme pour beaucoup d’autres arbres.  

Ce ne sont pas les seules raisons de la formation d’épines chez les végétaux : elles peuvent aussi souvent servir à se protéger des animaux qui tenteraient de les manger. 

Il faut bien sûr rappeler que tous les organismes ont un certain degré de parenté, si on remonte assez loin dans l’évolution, même entre les bactéries et les êtres humains ! Mais cette origine commune peut remonter dans certains cas à tellement loin qu’ils ont eu depuis, le temps d’accumuler de nombreuses différences et qu’ils n’ont aujourd’hui pratiquement plus rien en commun, à part quelques caractéristiques primitives. 

La notion d’ancêtre commun récent ou non est assez floue mais pour faire plus simple, plus l’ancêtre commun entre deux espèces est récent, plus celles-ci vont avoir des caractères physiques et génétiques communs, toujours en comparaison avec d’autres groupes (c’est donc toujours une proximité relative). On te parlera plus tard de ce sujet !

Références et crédits photos :


Auteur de l’article : Audrey Hamon, Master IMST, Laboratoire COMETE U1075, Université de Caen Normandie/Inserm

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