De la physique au sein des forêts

Dans le précédent article, nous t’avons parlé des conifères aux dimensions généralement impressionnantes. Le Pin Oyamel (Abies religiosa) présent dans les forêts mexicaines (par exemple au niveau de la Sierra Chincua, au centre du Mexique) ne déroge pas à la règle : il peut atteindre 50 m de haut pour 150 cm de diamètre.

Figure-toi que cet arbre attire beaucoup l’attention des scientifiques notamment parce qu’il accueille chaque hiver une ribambelle de papillons migrateurs : le papillon Monarque. Les insectes arrivent généralement autour du 1er novembre et repartent à la fin du mois de mars vers les côtes. Nous t’en avions déjà parlé dans cet article.

papillon Monarque sur une fleur de Zinnia Crédit : Geo Lightspeed7 – Own work, CC BY-SA 4.0

Les scientifiques se sont demandés ce qui faisait que les papillons Monarque étaient si intéressés par cette espèce de pin et pourquoi ces insectes migrateurs se positionnent préférentiellement sur le tronc des arbres plutôt que sur les branches. Bizarre, non ?

En réalité, cela va même plus loin qu’une simple préférence : se poser sur le tronc plutôt que sur les branches est salutaire pour les papillons ! Des études ont montré que leur taux de survie après une période prolongée de mauvaises conditions météo* (pluie, neige, grêle) était plus élevé que pour les insectes posés sur les branches.
*La région de leur zone d’hivernage est souvent soumise à des tempêtes !

La question se pose alors : quel processus permet d’expliquer une telle différence ? C’est du côté de la physique qu’il faut regarder ! Connais-tu la notion de capacité thermique ? C’est la faculté d’un matériau à accumuler de la chaleur ou au contraire à “résister” aux variations de température extérieure ! C’est une une sorte “d’inertie thermique”.

Le tronc massif du Pin Oyamel possède une capacité thermique élevée : la chaleur accumulée le jour est suffisante pour résister aux nuits très froides car l’écorce se refroidit très lentement et reste encore suffisamment chaude pour éviter les effets néfastes des nuits glaciales soumises aux vents froids. Ainsi, les papillons qui en plus sont nombreux et très serrés les uns contre les autres gardent beaucoup mieux leurs réserves de lipides et sont donc plus résistants pour survivre dans les hautes altitudes de Mexico !

Adeptes du tronc ! Extrait de la publication [1] (Original digital image by L.P. Brower)
Plus le tronc est large, plus l’effet de protection thermique est marqué et pour les branches, il semble qu’elles soient beaucoup plus affectées par le vent (le vent est plus intense lorsqu’on s’élève !) ce qui gêne pas les papillons…
Les papillons monarques profitent donc au mieux du tronc du Pin Oyamel, un peu comme si, en se posant sur son tronc, ils bénéficiaient d’une sorte de “micro-climat”  !

Cette découverte permet de mieux répondre aux efforts de protection du Monarque d’Amérique du Nord en préservant les forêts de Pin Oyamel, surtout les individus au plus gros tronc ! Mais “protéger” l’espèce de lépidoptère peut aussi passer malheureusement par la destruction de son hôte, c’est-à-dire ce fameux pin ! Les changements climatiques font des dégâts parfois insoupçonnés comme les attaques de nuisibles, là où on ne les attend pas ! C’est le cas de la réserve du Michoacán touchée par une maladie amenée par des coléoptères. Couper des arbres malades, c’est aussi une façon de protéger les autres !

Texte : Pascale Baugé, du blog « Le Monde et Nous »

Références
1- LINCOLN P. BROWER, “Oyamel fir forest trunks provide thermal advantages for overwintering monarch butterflies in Mexico”, Insect Conservation and Diversity (2009) 2, 163–17, 

2- https://www.lapresse.ca/environnement/200910/21/01-913608-10-000-sapins-coupes-pour-proteger-les-monarques.php

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

%d blogueurs aiment cette page :