« Expériences autour de l’eau » : Jour 6 ou le liquide non newtonien
Aujourd’hui, nous te proposons une petite expérience sur les fluides non-newtoniens rhéoépaississants. Le nom est compliqué mais l’expérience est très facile : il suffit de verser de la fécule de maïs (ou maïzena) dans de l’eau. On obtient alors un liquide épais aux propriétés étonnantes : il coule entre les doigts, mais on peut marcher dessus ! Voici une petite vidéo de démonstration :
Plutôt cool non ? Nous allons réaliser la même expérience, dans un récipient un peu plus petit, histoire de ne pas ruiner ta famille en achetant trois mille paquets de maïzena. Tu peux bien sûr utiliser n’importe quelle marque de fécule de maïs, ou même de pomme de terre.
Commence par verser un demi-verre d’eau dans un récipient en plastique ou une casserole (ça marche dans un récipient en verre, mais comme on va s’amuser un peu, autant prendre un récipient pas trop fragile). Rajoute ensuite environ deux verres de fécule de maïs tout en mélangeant. Au fur et à mesure, le mélange s’épaissit, jusqu’à devenir étrangement rigide lorsqu’on le touille vite. Si tu as mis trop de fécule de maïs, rajoute un tout petit peu d’eau. Si tu as versé trop d’eau, pas de panique, attends tranquillement dix minutes. Le liquide se sépare en deux parties, avec l’eau en surplus au dessus. Vide l’eau et garde le liquide blanc. C’est maintenant que ça devient intéressant.
Plonge tout doucement ton doigt dans la mixture : il s’enfonce comme dans un liquide. Essaie maintenant de le retirer rapidement : il est comme prisonnier. Enfonce ton doigt beaucoup plus rapidement : le liquide réagit alors comme un solide, et ton doigt est bloqué à la surface. Verse un peu de liquide dans ta main, observe comment il réagit, selon que tu le laisses couler ou que tu l’écrases entre tes doigts. Si tes parents sont d’accord, tu peux balancer une poignée de liquide sur un mur : il rebondit comme une balle, puis s’étale au sol comme de l’eau. Essaie de le ramasser : il se rigidifie sous tes doigts, puis coule de nouveau. Voici une petite vidéo :
Résumons ce qui se passe : plus on frappe fort la surface de ce liquide, plus il est difficile de le pénétrer. A l’inverse, si on plonge délicatement son doigt dedans, le liquide réagit comme un liquide ordinaire. Comment cela est-il possible ? C’est que la mixture à peu près comestible que tu as préparé n’est pas un fluide newtonien. On appelle fluides newtoniens les liquides qui se comportent de façon « classique » : ils répondent de façon proportionnelle aux forces qu’on leur imprime. L’eau par exemple, sauf conditions extrêmes, est un fluide newtonien : elle s’écoule de la même façon quelque soit la vitesse ou la force qu’on lui impose.
Les fluides non-newtoniens quant à eux, ne réagissent pas de la même façon, ce qui rend leur description assez complexe. Si l’on trace sur un graphique la courbe qui montre la résistance au touillage en fonction la vitesse de touillage, on obtient quelque-chose comme la figure ci-dessous. On voit que ni le mélange « Maïzena + Eau », ni la peinture ne sont des liquides newtoniens. La branche des sciences qui s’intéresse à l’écoulement et à la déformation des liquides lorsqu’ils sont soumis à des forces s’appelle la rhéologie.
En réalité, il n’existe aucun fluide parfaitement newtonien : selon les conditions, tous les fluides peuvent avoir un comportement complexe. L’eau, qui est l’exemple le plus classique de fluide newtonien, peut devenir un fluide non-newtonien si les vitesses ou les forces en jeu deviennent trop importantes : quand tu fais un plat en plongeant de 10 mètres ou quand tu t’amuses à faire des ricochets sur l’eau par exemple.
Dans la plupart des liquides, newtoniens ou non, plus on exerce une contrainte importante, plus le liquide se déforme et « coule ». C’est le cas du ketchup par exemple : plus on appuie fort, plus il se fluidifie, on dit qu’il est rhéofluidifiant. A l’inverse, la préparation de Maïzena est un exemple assez rare de fluide rhéoépaississant : plus la force exercée est importante, plus le liquide s’épaissit, au point de réagir comme un solide à des sollicitations brusques et fortes !
Ce comportement particulier est dû à la structure du liquide, qui constitue une suspension colloïdale. Les colloïdes sont des particules minuscules dispersées dans le liquide. Une force de répulsion les empêche de se regrouper et les maintient en suspension. L’énergie d’un impact permet aux colloïdes de vaincre la force de répulsion et se regrouper momentanément en amas, ce qui provoque la brusque « solidification » du liquide. Cette transition est extrêmement rapide : elle ne dure que quelques millisecondes. Lorsque l’énergie du choc se dissipe, les particules se repoussent de nouveau et le mélange retrouve sa nature liquide.
Cette propriété étonnante peut trouver des applications très intéressantes : on peut par exemple concevoir des combinaisons de protections contenant un tel liquide, destinées par exemple aux motards. Les protections restent souples lors de mouvements normaux mais se rigidifient en cas de chocs ou d’impacts. Cette technologie est même utilisée dans des « armures » ou des gilets pare-balle ; les couches de kevlar y sont traitées avec un mélange de liquide rhéoépaississant, ce qui permet de diminuer grandement leur épaisseur et leur poids.
C’est tout pour aujourd’hui ! N’oublie pas de nettoyer derrière toi 😉 !
Auteur : Karim Madjer
Dessins : Stéphanie Dubut
Laisser un commentaire