Le diable de Descartes
Aujourd’hui, nous te proposons une petite expérience pour te faire comprendre les notions de densité, de pression des fluides et incompressibilité de l’eau avec un jouet scientifique : un jouet que tu vas construire toi-même.
Un petit diable dans une petite bouteille en verre qui exauce nos désirs, ce serait chouette non ? A condition de ne pas exagérer avec les requêtes pour ne pas risquer la damnation de l’âme. Qui sait si Robert Louis Stevenson connaissait le petit diable de Descartes quand il décrivait son « diable dans la bouteille » dans le récit homonyme.
Non, nous, nous allons utiliser le petit diable pour faire de la science !
Inventé il y a environ 200 ans, non pas par Descartes mais par son contemporain Raffaello Magiotti, le petit diable, ou ludion, est, encore aujourd’hui, un instrument utile pour parler de dynamique des fluides (gaz et liquides) de manière amusante.
Il s’agit d’un objet apparemment simple qu’on peut faire flotter ou couler en changeant certaines conditions. En cachant bien les gestes, on obtient un effet presque magique qui laisse abasourdi le public.
Raffaello Magiotti avait été élève de Galilée (nous avions déjà parlé de Galilée dans cet article) et collègue de Torricelli. Il présenta l’expérience du ludion, qu’il appelait caraffina (petite caraffe), dans le traité « Renitenza certissima dell’acqua alla compressione » (« Résistance avérée de l’eau à la compression ») de 1648.
On retrouve le ludion dans d’autres traités de physiques. Ci-dessous une illustration tirée du livre « Traité de Physique » d’Adolphe Ganot (1870).
Comment fonctionne le ludion ?
À l’origine, il s’agissait d’un objet creux en verre ou en céramique avec une petite ouverture en bas. Il pouvait avoir des formes différentes, dont le petit diable. On le mettait dans une fiole en verre pleine d’eau, fermée en haut par une membrane. En pressant la membrane on pouvait faire flotter ou couler la figurine.
Aujourd’hui le ludion peut être en verre, en plastique, d’autres matériaux mais peut également être un simple sachet de ketchup. D’habitude on met le ludion dans une bouteille en plastique fermée par un bouchon, plus facile à manipuler qu’une fiole.
Les phénomènes en jeu sont :
- la poussée d’Archimède (relire cet article)
- le fait que l’eau, comme tous les liquides, est incompressible
- le fait que l’air, comme tous les gaz, est compressible
En position de repos, le ludion flotte grâce à l’équilibre entre la poussée d’Archimède et son poids (le ludion est plein d’air mais il a un lest).
Quand on applique une pression à l’eau du récipient (par exemple en serrant la bouteille), la pression se transmet à l’air qui se trouve à l’intérieur du ludion. L’eau ne peut pas se comprimer, mais l’air à l’intérieur du ludion oui.
L’air comprimé occupe ainsi moins place et un peu d’eau rentre dans le ludion. L’eau pèse plus lourd que l’air, donc le ludion voit sa densité augmenter (même volume mais poids supérieur) : il coule.
Quand on relâche, la pression de l’eau diminue, l’eau sort du ludion et l’air se dilate pour reprendre toute la place. Le ludion remonte.
En observant de près ce « jouet » on voit le niveau de l’eau qui monte à l’intérieur du petit diable, juste avant qu’il ne coule. Tout semble plus clair, on n’a plus besoin de beaucoup d’explications. Il ne reste plus qu’à essayer vous-même !
Comment fabriquer un ludion
Il existe plusieurs façons et toutes fonctionnent plus ou moins bien. Je vous propose celui que j’utilise d’habitude, facile à préparer avec du matériel de tous les jours.
Matériel
- une paille coudée
- deux trombones
- des ciseaux
- une bouteille transparente en plastique, avec son bouchon
Ouvrir le trombone en formant une structure en forme de cœur et aplatir les deux parties.
Plier la paille au niveau du petit « accordéon », puis couper le bras le plus long pour former une espèce de U symétrique.
Glisser les deux extrémités du trombone dans les deux cavités de la paille.
Accrocher un autre trombone. Voilà le ludion.
Si on a de la chance, il fonctionne dès la première tentative.
S’il ne fonctionne pas tout de suite, il faut enlever le deuxième trombone ou en rajouter un troisème. Il faut, en effet, modifier le poids du ludion. Comme on a coupé la paille un peu au hasard, on ne peut pas prévoir à l’avance si le poids accroché au ludion est suffisant comme lest. C’est une question d’équilibre. Les différents essais ne sont pas inutiles, car ils aident à mieux comprendre.
Maintenant nous pouvons nous servir de cette expérience pour expliquer le mécanisme :
- du sous-marin qui remplit et vide ses réservoirs avec de l’eau (relire cet article)
- de la vessie natatoire des poissons qui se remplit et se vide de gaz
Les deux, poisson et sous-marin, modifient leur densité pour rester en surface ou descendre en profondeur.
Pour en savoir plus
Carrasquer, J., Álvarez, M.V., y Ponz, A. (2014). Exposición « Danzad, danzad, diablillos », una visión de la Historia del Diablo Cartesiano a través de Imágenes. Teruel: Universidad de Zaragoza. Disponible en: http://web-ter.unizar.es/cienciate/expo
Texte : Ludmilla
Laisser un commentaire