Les perroquets parlent-ils vraiment ?

– On a bien un chat, pourquoi pas un perroquet ?

Myriam sursaute. Occupée à réparer son vélo, elle s’est fait surprendre par sa fille, arrivée dans le garage comme un ouragan chargé d’enthousiasme, une BD à la main. Ses cheveux en bataille, les yeux qui pétillent, Zoé ouvre l’album et fait signe à sa mère

– Regarde, c’est génial, un perroquet, ça parle ! Je pourrais lui apprendre à parler !
Myriam, toujours un peu surprise, se souvient de la visite au zoo il y a quelques jours. Zoé avait passé beaucoup de temps à observer les oiseaux.
– Je vois que tu as trouvé les albums de Tintin. Elle repose la roue de son vélo pour mieux discuter.
– Dis moi, Zoé, est-ce que tu es sure que les perroquets parlent ? Est-ce que ce n’est pas plutôt inventé pour le livre ? Dans le zoo, la dernière fois, ils n’ont fait que chanter.
Zoé reste un temps perplexe.
– C’est vrai ça, tiens. Je pourrais demander à Monsieur Girou, le prof de chant ! Il a un perroquet chez lui. Peut être qu’il sait…
Le lendemain, Zoé n’en peut plus d’attendre le cours de chant. Lorsqu’enfin vient le moment où elle sonne à la porte de Monsieur Girou et que celui-ci lui ouvre, elle le bouscule presque pour rentrer. Tout encore un peu endormi par sa sieste, il se met à râler intérieurement. Il a beaucoup d’affection pour Zoé, qui est toujours pleine de vie… mais un peu trop parfois pour lui qui aime le calme.
N’empêche que ça ne l’embête jamais trop longtemps, car très vite, il s’enthousiasme lui aussi.  Quel plaisir d’enseigner à des élèves curieux !
Aujourd’hui, au lieu de le suivre dans le salon, elle file tout droit dans la cuisine et va parler à son oiseau.
– Monsieur, monsieur ! Il faut que vous me parliez des perroquets ! Comment font-ils pour parler ? Ceux du zoo ne faisaient que chanter…
– Parler ?! Ca je ne sais pas. Mais pour chanter, je sais.


Ils disposent d’un organe, appelé le syrinx. La trachée des oiseaux se divise en sa base vers les bronches et les poumons. C’est à cette intersection que se trouve le syrinx. C’est une cavité qui permet de produire les sons. Lorsque l’air est expiré, il passe par cette cavité et fait vibrer une membrane souple. Ensuite le son est modulé à l’aide des muscles du syrinx qui peuvent tendre plus ou moins la membrane. L’oiseau utilise aussi sa langue charnue pour modifier le volume de sa bouche qui fait caisse de résonance.

– Ca ressemble beaucoup à notre larynx, et nos cordes vocales non ?
– Oui, c’est vrai, les cordes vocales sont les replis de membranes et peuvent être tendus ou relâchés. Mais le larynx qui abrite les cordes vocales se situent en haut de la trachée et non en bas.

larynx
Le larynx chez l’homme, siège des cordes vocales

Zoé, pensive, reprend :
– Moi, je trouve ça dur de chanter comme un oiseau… Est-ce qu’un oiseau trouve ça dur de parler comme nous ? Pourquoi vous dites qu’ils ne savent pas parler ?
– Je n’ai pas dit qu’ils ne savaient pas parler, mais mon perroquet ne parle pas. Je sais cependant que certains perroquets sont très doués pour imiter et répéter. Cela peut être uniquement des sons de klaxons mais chez certains, les muscles du syrinx sont très développés et cela leur permet de reproduire même la voix humaine.

Mais, allons voir la voisine Joséphine, elle doit être rentrée maintenant. Elle s’y connait en oiseaux !

Effectivement Joséphine est chez elle. Elle accueille la petite troupe avec un grand sourire et se présente.
– Oui, oui, je suis chercheuse en éthologie…
– C’est quoi l’éthologie ?
– Alors, l’éthologie, en gros c’est l’étude des comportements des animaux qu’ils soient domestiques ou sauvages.
– Et des oiseaux alors ?! s’écrie Zoé. Joséphine sourit.
– Oui, des oiseaux aussi.
– Comment font les oiseaux pour parler ? Dites moi !!

Joséphine les invite alors dans le salon et leur fait signe de s’asseoir. Les murs sont couverts de photos d’animaux exotiques qui captivent l’attention de Zoé, mais très vite, elle se retourne pour écouter Joséphine.
– Les oiseaux sont des animaux sociaux, c’est à dire qu’ils ont besoin des autres oiseaux pour vivre, pour apprendre, pour se nourrir, pour signaler un danger, se protéger. Ils ont donc besoin de communiquer, de transmettre des émotions. Des informations. C’est pour cela qu’ils chantent et se parlent entre eux. Ce ne sont pas les seuls à le faire. Par exemple les abeilles dansent pour expliquer aux autres abeilles où trouver le miel. Mais les oiseaux font partie des rares espèces à pouvoir émettre des vocalises, des sons, un langage.
– J’en étais sure ! Dans Tintin, le perroquet parle !
– Oh oui, les oiseaux parlent mais on ne les comprend pas…. Peut être qu’un oiseau chante comme nous. Si sa chanson est triste cela veut dire qu’il est triste.
Monsieur Girou, attentif lui aussi, est intrigué,
– D’accord, mais certains perroquets répètent et parlent comme nous, non ?
– Alors, là, vous entrez dans un domaine qui me passionne. C’est beaucoup plus impressionnant que ce que vous ne pensez. Il y a une chercheuse Irène Perrerberg, très connue dans notre milieu. Elle s’intéresse beaucoup aux perroquets. Et figurez-vous qu’elle a recueilli dans son laboratoire de nombreux perroquets du Gabon pour les étudier. Elle a découvert ainsi qu’ils peuvent apprendre un nouveau langage, le-nôtre. Non seulement ils peuvent répéter les sons mais ils répondent à nos questions et font des connexions entre un son et une idée. On ne peut pas en dire autant des hommes, qui sont incapables de répondre à un oiseau en sifflant !

Regardez cette petite vidéo :

 

Mais les oiseaux que je préfère, ce ne sont pas les perroquets. Ce sont les moineaux du Japon. Ils savent utiliser une syntaxe, des règles de grammaire basiques mais tout de même. Ils sont capables de détecter des fautes et d’apprendre de nouvelles règles. Ils sont aussi capables de comprendre le phénomène de récursion.

bengalese_finch

– C’est quoi la récursion ?
– La récursion. Mmmm, voyons un exemple. Si je dis, « La boulangère est triste », ce n’est pas une phrase récursive. Mais si je dis  » La boulangère, qui pense que si son ami ne l’appelle pas, ce n’est pas bon signe, est triste. » Alors c’est une phrase récursive. En quelque sorte, ce sont des phrases que l’on emboîte pour former une seule phrase.

– Ouah, trop bien, je pourrais avoir un moineau du Japon plutôt qu’un perroquet. Ca a l’air carrément cool. Surtout que tous les perroquets ne parlent pas. Celui de Monsieur Girou, par exemple, il n’a pas l’air très futé….
– Je t’encourage vivement à abandonner l’idée du perroquet. C’est vrai que les moineaux ne vont pas parler notre langue, mais de nombreuses espèces de perroquets sont en danger. Ils ne sont pas faits pour vivre en captivité. Dans ton appartement, il ne va pas avoir la place nécessaire pour se développer. Il va déprimer jusqu’à mourir de chagrin. Les moineaux du japon, au contraire, sont une variété domestiquée créée par l’homme, qui supporte donc beaucoup mieux d’être en cage.

Quelques jours plus tard, Zoé joue dans le jardin avec son petit frère Naël.
– Tu vois Matou, le chat, il miaule en nous regardant et secoue la queue très vite, c’est pour nous signaler quelque chose. Il fait souvent cela quand il veut des caresses. Regarde, il vient se frotter à toi !
– Tu penses qu’il comprend ce qu’on lui dit ?
– Peut être … peut être que si tu es triste, il comprend que tu es triste juste en entendant le son de ta voix, comme pour une chanson triste.
– Et l’oiseau que tu vas avoir, alors, il va pouvoir nous parler ?
– Non. On ne comprend rien à ce qu’il chante. C’est Joséphine qui me l’a dit. C’est une experte en oiseaux, je pense qu’elle a raison. Mais je vais essayer quand même parce que c’est un super oiseau. Tu te rends compte, il apprend même la grammaire !

Quelques liens pour aller plus loin ?

Pour tous :

Une émission C’est pas sorcier sur les perroquets

 

L’oiseau-lyre est aussi très doué dans l’imitation :

Animal extraordinaire : l’oiseau lyre

Pour les plus grands :

Un article en anglais
http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3718307/

Un article sur l’intelligence animale sur un blog ami
http://sweetrandomscience.blogspot.ch/2013/08/rediffusion-de-lete-mini-dossier.html

Auteur : Emilie Neveu du blog Sense the Science

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