Tout savoir sur les trous noirs
Les trous noirs sont des objets célestes mystérieux et passionnants. Voici quelques réponses aux questions qu’on pose souvent à leur sujet.
D’abord, un trou noir, c’est quoi ?
Si tu jettes un objet en l’air, il va retomber. Si tu avais un canon capable de lancer un boulet à 11 km/s, soit environ 40’000 km/h, le boulet s’échapperait de l’attraction terrestre et ne retomberait pas.
Plus un astre est massif, plus cette « vitesse de libération » à laquelle il faudrait lancer un objet depuis la surface pour qu’il ne retombe pas est grande. Depuis Jupiter il faudrait tirer à 60 km/s soit 214’000 km/h et depuis le Soleil à 617 km/s, ce qui est déjà une vitesse énorme.
Si un astre de la taille du Soleil était 250’000 fois plus lourd, sa vitesse de libération serait plus grande que la vitesse de la lumière. Et comme rien ne va plus vite que la lumière, rien du tout ne pourrait s’échapper de cet astre, même pas la lumière. Un tel astre est appelé un trou noir.
Et ça existe, des astres 250’000 fois plus lourds que le Soleil ?
Oui. On sait aujourd’hui qu’au milieu de chaque galaxie il y a un énorme trou noir « supermassif ». Celui qui est au centre de notre galaxie, la Voie Lactée, s’appelle Sagittarius A*. On l’a trouvé en observant une étoile baptisée S2 faire une immense orbite autour de quelque chose d’invisible en 15 ans seulement:
En 2002, quand elle est passée le plus près du trou noir, S2 bougeait à 5000 km/s, presque 2% de la vitesse de la lumière, une vitesse absolument énorme ! Grâce à ça, on a pu calculer que le trou noir Sagittarius A* est environ 2.6 millions de fois plus massif que notre Soleil.
Certaines galaxies ont des trous noirs centraux plus de mille fois plus massifs. Le plus gros trou noir que l’on connait actuellement est celui au centre de la galaxie NGC 1277 : il a une masse équivalente à 17 milliards de Soleils !
Mais il existe aussi des trous noirs beaucoup plus petits, de 3 à 15 masses solaires seulement : les trous noirs « stellaires ». Ils sont possibles parce que quand les grosses étoiles s’éteignent, elles deviennent minuscules et leur vitesse de libération augmente en même temps. Si une grosse étoile ne fait plus que quelques dizaines de kilomètres de diamètre, elle devient un trou noir.
Et ça existe, des étoiles de la taille d’une grande ville ?
Quand le Soleil s’éteindra dans quelques milliards d’années, il deviendra une « naine blanche » où les atomes seront tellement serrés les uns contre les autres que le Soleil aura à peu près la taille de la Terre, mais toujours à peu près la même masse que maintenant.
Tu sais peut-être que les atomes sont faits de protons au milieu, et d’ électrons qui tournent autour. Quand une étoile 3 fois plus massive que le Soleil s’éteint, les atomes se serrent tellement à cause de la pression que les électrons n’ont plus la place pour bouger, touchent les protons, et à ce moment là les protons et les électrons se combinent pour former des autres particules, les neutrons. En écrabouillant ses atomes, l’étoile devient une boule de neutrons de quelques dizaines de kilomètres seulement, qu’on appelle une « étoile à neutrons« .
Mais quand une étoile 10 fois plus lourde que le Soleil s’éteint, même les neutrons se font écrabouiller. Certains physiciens pensent que l’étoile ne devient plus qu’un point, une « singularité ». Et alors forcément, à une certaine distance de ce point qu’on appelle le « rayon de Schwarzschild« , la vitesse de libération est égale à la vitesse de la lumière.
On connait environ une vingtaine de trous noirs « stellaires », qui font tous partie de « systèmes binaires » : c’est grâce à une étoile normale qui orbite tout près du trou noir qu’on a pu les détecter, d’une part grâce aux mouvements de cette étoile, et d’autre part parce que le trou noir les aspire.
Alors c’est vrai, les trous noirs aspirent tout ?
Il n’y a pas très longtemps, on croyait que les trous noirs attiraient et aspiraient tout ce qu’il y avait dans l’espace autour d’eux. Mais maintenant, on sait que les trous noirs dévorent peu de matière, et même qu’ils en éjectent une bonne partie dans l’espace. Çà a l’air de contredire ce que je disais plus haut, alors je t’explique tout ça.
D’abord, un trou noir d’une certaine masse n’attire pas plus qu’une étoile de la même masse. Si le Soleil se transformait d’un coup en trou noir (c’est impossible, mais imaginons…), ce serait la fin du monde parce que nous ne recevrions plus sa lumière, mais la Terre et toutes les autres planètes continueraient à tourner tout à fait normalement autour du Soleil noir, parce qu’il aurait toujours la même masse et serait toujours au même endroit. Ce n’est que tout près que l’attraction d’un trou noir est vraiment énorme.
En plus, comme un trou noir est assez petit, un objet qui tombe vers lui a beaucoup de chances de le rater à plutôt se mettre à tourner autour et à tomber vers le trou noir en spiralant de plus en plus vite. Toute cette matière va se retrouver dans un « disque d’accrétion » un peu comme les anneaux de Saturne mais tournant autour du trou noir à une vitesse énorme. En plus, la matière de ce disque devient extrêmement chaude, plus chaude qu’une étoile, tellement chaude que cette matière émet une lumière intense mais invisible avec nos yeux, des rayons X.
Quand les astronomes ont compris ça, ils ont envoyé des satellites avec des télescopes capables de voir des rayons X, et c’est comme ça qu’ils ont trouvé Cygnus X-1 en premier en 1971, et plein d’autres trous noirs depuis.
Et en les observant mieux, ils ont eu une grosse surprise au début des années 1990 : les trous noirs envoient de gigantesques jets de matière très loin dans l’espace, à une vitesse très proche de celle de la lumière!
Les jets
Les scientifiques ne sont pas encore tous d’accord sur les détails parce que ce qui se passe tout près d’un trou noir est très compliqué, mais ils pensent que les jets sont produits par l’énorme champ magnétique des trous noirs. Il dévie une partie du disque d’accrétion vers les pôles nord et sud juste avant qu’elle atteigne le rayon de Schwarzschild, et l’envoie dans l’espace comme un gigantesque accélérateur de particules naturel.
Ces jets sont vraiment très intéressants parce qu’ils nous apprennent plein de choses sur les trous noirs.
D’abord ils ne sont pas réguliers, et ça peut nous renseigner sur ce que le trou noir a mangé pendant les derniers milliers d’années. Les parties du jet qui sont presque invisibles correspondent à des périodes où le trou noir était « inactif » parce qu’il n’avait presque plus rien dans son disque d’accrétion. Et quand il y a un grumeau dans le jet, c’est peut-être tout ce qui reste d’une étoile entière broyée par le monstre.
Ensuite, on s’est aperçus que ce qu’on pensait des trous noirs supermassifs est peut-être complètement faux. On croyait qu’ils se sont formés en avalant des énormes quantités de matière de leur galaxie. Maintenant on pense qu’ils n’ont pas eu assez de temps de devenir si gros depuis le Big Bang il y a 14 milliards d’années. Certains ont probablement déjà été formés au moment du Big Bang. Donc les astrophysiciens se demandent aujourd’hui si ce n’est pas l’inverse qui s’est produit : peut être que les trous noirs supermassifs ont aidé les galaxies à se former autour d’eux grâce à leurs jets.
Mais finalement, il y a quoi dans le trou noir ?
J’adore cette question, parce que je peux ressortir ma réponse préférée : « on ne sait pas, mais ce n’est pas très important. » Bon, j’exagère un peu : bien sur que les physiciens font toutes sortes de théories pour décrire ce qui pourrait bien se passer dans le trou noir, mais comme rien de ce qui s’y passe ne peut en sortir, ce qu’il y a ou ce qui s’y passe ne peut pas avoir de conséquence à l’extérieur. C’est comme si ça n’existait pas.
Certaines personnes ont imaginé que ce qui entrait dans un trou noir ressortait quelque part par une « fontaine blanche », mais on ne voit rien dans l’univers qui ressemble à ça, donc disons que c’est plus de la science-fiction que de la science.
Ce qui intéresse beaucoup plus les physiciens, c’est ce qui se passe juste sur la surface où la vitesse de libération est égale à la vitesse de la lumière. On l’appelle « horizon des événements » parce que cette surface est une sorte de limite de l’Univers, avec des caractéristiques très étranges. Par exemple, cette surface doit avoir une sorte de mémoire de tout ce qui est entré, ou plutôt sorti de l’Univers par là. Et aussi, le célèbre physicien Stephen Hawking a montré que les trous noirs « s’évaporaient » très lentement à cause d’un phénomène très spécial qui se produit sur l’horizon des événements.
Tu vois, ce qui se passe juste à l’extérieur des trous noirs est tellement intéressant que ça nous console de ne pas trop savoir ce qui se passe dedans.
Pour en savoir plus
Si les trous noirs t’intéressent, voici quelques conseils pour en savoir plus sur eux:
- Ne crois pas ce que te montrent les films ou les séries de science-fiction. C’est dommage, mais je n’en connais aucun qui montre un trou noir réaliste.
- Ce documentaire sur YouTube est en français, et très bien fait.
- Tu peux bien sur aussi suivre les liens vers la wikipédia que j’ai mis dans l’article, mais c’est vrai que le texte peut être assez compliqué. Ne te décourage pas, essaie de comprendre au moins le début et surfe un peu sur d’autres pages pour essayer d’en savoir plus
- Et bien sur tu peux aussi regarder mes articles sur les trous noirs, parce que comme toi, ces astres fantastiques n’arrêtent pas de m’émerveiller.
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