Digestion, reproduction : les expériences folles de Spallanzani
Pour être un bon scientifique, il faut avoir un petit grain de folie. On a tous en tête la fameuse photo d’Albert Einstein tirant la langue. Certains scientifiques, moins connus qu’Einstein par le grand public, ont réalisé des expériences un peu folles. C’est le cas notamment de Lazzaro Spallanzani, abbé scientifique italien du 18ème siècle, qui étudia rien de moins que la biologie, la zoologie, la géologie, la vulcanologie…autant dire presque rien !
Cet article peut intéresser des élèves de 5ème et 4ème – Programme SVT
Spallanzani est connu de tous les collégiens pour avoir effectué de nombreuses recherches dans le domaine de la digestion. La première expérience un peu folle que je voulais vous présenter concerne en effet ce domaine. Voici ce qu’il écrivit dans son livre intitulé « Expériences sur la digestion de l’homme et de différentes espèces d’animaux » publié en 1777:
« Ne semblerait-il pas que l’action des suc gastriques humains sur les aliments est aidée par la compression de l’estomac? Pour décider cette question, il fallait mettre les aliments dans de petits tubes, parce que si la digestion ne se faisait pas, ou se faisait mal, c’était une preuve qu’il manquait quelque chose d’utile, et alors il était assez probable que ce serait la force triturante. J’étais donc physiquement obligé d’avaler des tubes ; et comme j’avais vu dans mes précédentes expériences, qu’il ne m’arrivait aucun mal en avalant les petites bourses, je dirais franchement que j’avalais sans crainte les tubes, que je fis faire en bois et non en laiton, craignant quelques accidents fâcheux par leur séjour dans l’estomac ou dans les boyaux (…). Les sucs gastriques ne les avaient pas rongés, les tubes s’étaient seulement noircis par un long séjour dans l’estomac. Le calibre des petits tubes que j’employais était de trois lignes, leur longueur avait cinq lignes, les parois étaient couvertes de trous, afin que le suc gastrique de mon estomac pût les pénétrer de toutes parts ; je les couvris seulement avec une toile, pour en fermer l’entrée, pendant leur longue traversée des intestins. Je n’avalais d’abord qu’un seul petit tube, où j’avais mis trente-six grains de chair de veau cuite et mâchée : il sortit heureusement au bout de vingt-deux heures, mais il ne contenait plus de chair, ni rien du tout, parce qu’il avait été fort bien fermé par les toiles. »
Notez deux choses de ce petit texte : le dévouement de Spallanzani à la science, qui se sentait « physiquement obligé d’avaler des tubes » et son soulagement (« heureusement« ) lorsque le tube en bois ressorti par les voies naturelles. L’abbé italien venait de montrer par cette expérience que la digestion ne se faisait pas grâce à un mécanisme de broyage mais plutôt grâce à une action chimique : le liquide présent dans l’estomac permet de dissoudre à lui seul les aliments.
La seconde expérience farfelue de Spallanzani, dont je voulais vous parler, concerne la reproduction des grenouilles. A l’époque on ne savait pas vraiment comment « se faisaient les bébés » (cela fera peut-être l’objet d’un futur article sur Kidi !). Spallanzani pensait d’ailleurs que le nouvel individu existait déjà dans les ovules de la mère et que finalement le père n’avait aucun rôle dans la reproduction. Afin de confirmer ou non cette hypothèse, l’abbé italien décida de mettre un petit slip en cuir à une grenouille mâle. Après l’accouplement, la grenouille femelle libéra ses œufs mais aucun têtard ne naquit. Spallanzani s’interrogea. Son hypothèse était donc fausse ! Peut-être que le mâle joue un rôle important dans la fécondation ?
En récupérant les petits slips sur les grenouilles mâles, il remarqua la présence d’une substance transparente. Il récupéra cette substance et la mit au contact des œufs pondus par la grenouille femelle. Quelques jours plus tard, il constata la naissance des petits têtards. Il venait de réaliser la première fécondation in vitro de l’histoire en mettant directement en contact des spermatozoïdes et des ovules ! Tout ça grâce à des petits slips en cuir !
Dans le livre « Expériences pour servir à l’histoire de la génération des animaux et des plantes » publié en 1785, Jean Senebier évoqua Spallanzani dans ces termes : « L’abbé Spallanzani (a su) lutter victorieusement avec la Nature, et produire, par son adresse, les mêmes effets qu’elle a opéré si souvent depuis la création, et dont elle avait su voiler jusqu’aujourd’hui les moyens. » Bel hommage n’est-ce pas ?
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