Qu’est-ce qu’une piscine de Morris ?

Comme nous te l’avions déjà expliqué dans un précédent article (juste ici), les animaux, et en particulier les rongeurs (rats, souris…) sont très importants pour la recherche scientifique et médicale. En effet, grâce à leurs nombreuses ressemblances avec les humains (ce sont, comme nous, des mammifères, et le fonctionnement de leur cerveau est assez proche du nôtre), ils permettent d’aider les chercheurs à mieux connaître et comprendre les effets de certaines maladies et de développer de nouveaux médicaments pour les soigner.

Leur utilité ne se limite pas uniquement aux maladies humaines puisqu’ils aident aussi dans la recherche vétérinaire, qui développe les traitements pour les animaux, ainsi que dans d’autres types de recherches comme l’étude des polluants de l’environnement par exemple). Certaines équipes de scientifiques étudient en particulier des maladies qui touchent le cerveau et affectent la mémoire, comme la maladie d’Alzheimer (on en avait parlé ici). Pour cela, ils utilisent donc ces animaux pour mieux comprendre ce qu’il se passe dans le cerveau.

Mais les rongeurs ne peuvent pas nous parler pour nous dire s’ils se rappellent de quelque chose ou non. Alors, comment peut-on faire pour étudier leur mémoire ?

Une baignade, Maurice ?

Les scientifiques utilisent plusieurs dispositifs pour faire apprendre de nouvelles connaissances aux animaux et mesurer ensuite leur capacité à s’en rappeler. Ils peuvent par exemple utiliser une piscine de Morris, aussi appelée labyrinthe aquatique de Morris.

Il s’agit d’un bassin circulaire rempli d’eau dans lequel on installe une petite plateforme immergée à quelques millimètres sous la surface. Pour ne pas que l’animal puisse la voir, un produit est ajouté à l’eau pour la rendre opaque.

Le principe est que le rat (ou la souris), est déposé dans l’eau, et doit nager pour retrouver où est cette plateforme dans la piscine et monter dessus. Les rongeurs, et en particulier les souris, ne sont pas à l’aise sans support solide sous leurs pattes, et vont donc explorer la piscine pour trouver un moyen de sortir de là et de se mettre au sec.

Une caméra est accrochée au-dessus de la piscine pour filmer les déplacements des animaux, et elle est reliée à un ordinateur équipé d’un système de vidéo tracking. Ce système permet de suivre et d’analyser les déplacements du rongeur (trajectoire, vitesse de nage, temps mis pour retrouver la plateforme, et beaucoup d’autres paramètres).

D’où vient ce nom ? 

Le nom “Piscine de Morris” provient du nom de la personne qui a mis au point ce test en 1981 : Richard Graham Michael Morris, ou Richard G. M. Morris, pour faire plus court.

C’est un neurobiologiste britannique, qui a principalement travaillé sur l’apprentissage et la mémoire des rongeurs, et sur l’hippocampe (non, pas l’animal). L’hippocampe est une partie du cerveau justement impliquée dans la mémoire, l’apprentissage spatial etc.

Son test est aujourd’hui l’un des plus utilisés par les scientifiques pour étudier la mémoire et l’apprentissage chez les rongeurs.

Est-ce que ce test est dangereux pour eux ?

Pas de panique, les rats savent nager d’instinct, donc ils ne peuvent pas se noyer. De plus, ils sont laissés dans la piscine pour des durées courtes, de 60 à 90 secondes, au maximum. Si les rats n’ont pas réussi à trouver la plateforme au bout de cette durée, ils sont guidés jusqu’à elle; ainsi, ils apprennent à se repérer puis sont retirés de l’eau.

Ce test est un peu moins utilisé avec des souris, car elles sont moins à l’aise que les rats dans l’eau et seront plus facilement stressées, ce qui peut impacter leurs performances. Dans le cas où l’exercice doit être fait avec des souris, la largeur du bassin est réduite pour s’adapter à leur taille, et l’eau est également chauffée à 25°C pour leur éviter d’avoir froid (étant plus petites, leur déperdition de chaleur est plus grande).

A noter que les rats supportent bien l’eau à température ambiante, il n’y a donc pas forcément besoin de la chauffer dans ce test-là.

Quel est le but de ce test ?

Différents protocoles existent, en fonction de ce que l’on souhaite mettre en évidence : les chercheurs peuvent changer l’endroit où est déposé le rongeur dans l’eau (point de départ) de manière à ce qu’il apprenne à se repérer quel que soit l’endroit où il se trouve.

La plateforme elle-même peut aussi être déplacée ailleurs dans le bassin.

Ainsi, il pourra se construire une sorte de carte spatiale mentale lui permettant de toujours retrouver la plateforme.

Ce test permet d’évaluer sa capacité à se repérer dans son environnement, sa mémoire et son apprentissage en observant s’il parvient ou non à retenir l’emplacement de la plateforme au fur et à mesure des répétitions de l’expérience (mémoire spatiale). Il permet aussi de mesurer sa facilité à intégrer de nouvelles consignes (adaptation et flexibilité).

Dans une situation normale (sans maladie ou traitement particulier), les rongeurs trouvent la plateforme de plus en plus facilement dans la piscine, au fur et à mesure des essais. Le protocole le plus classique consiste à réaliser 4 essais par jour pendant 5 jours. Courbe d'apprentissage d'un groupe de rats

Ce graphique est une courbe d’apprentissage d’un groupe de rats. Elle montre l’évolution de la distance parcourue (en cm) pour retrouver la plateforme, au fur et à mesure des jours (J1 à J5). On peut voir ici que la distance moyenne est de plus en plus petite au cours des essais. Cela montre qu’ils apprennent l’emplacement de la plateforme dans la piscine, et qu’ils parcourent de moins en moins de distance pour la trouver.

Comment font-ils pour se repérer dans la piscine ?

Les rongeurs peuvent utiliser différents repères :

  • Des repères visuels, avec leurs yeux : grâce à des images présentes sur les murs ou des objets de la pièce. Parfois, des indices sont aussi placés sur les parois de la piscine, mais cela dépend des protocoles de recherche.
  • Des repères olfactifs, c’est-à-dire des odeurs, avec leur nez : les rongeurs ont de très grandes capacités olfactives, ils peuvent sentir l’odeur des cages des autres animaux qui sont dans un coin de la pièce, sentir leurs congénères à proximité, l’odeur de l’expérimentateur, et beaucoup d’autres odeurs que nous ne percevons même pas nous-mêmes.
  • Des repères auditifs, c’est à dire avec les sons : contrairement aux humains, ils peuvent percevoir les ultrasons, qui sont produits par les appareils électroniques à proximité, comme un ordinateur ou un réfrigérateur par exemple, ce qui peut les aider à s’orienter.

Souvent, on va aussi observer que selon les individus, des stratégies différentes vont être utilisées pour retrouver la plateforme au plus vite. Certains vont plutôt longer les bords du bassin, ou, au contraire, rester proches du centre ; d’autres vont nager en zigzag ou en boucles, ou encore se déplacer aléatoirement dans l’eau jusqu’à tomber dessus. Lorsqu’ils entrent dans l’eau, ils peuvent aussi se précipiter ou bien prendre quelques secondes pour analyser la situation avant de commencer à chercher la plateforme. Chaque individu va ainsi adopter sa propre stratégie, et l’on peut aussi repérer des différences en fonction de l‘âge, et du sexe et autres paramètres.

 

Tu peux voir ci-dessus des vidéos des essais effectués sur une souris. En haut, c’est le premier jour de l’expérience, elle ne sait donc pas où est la plateforme. En bas, c’est le cinquième jour, elle est plus rapide car elle a mémorisé son emplacement et développé sa propre stratégie pour la retrouver.

L’intérêt pour la recherche :

L’expérience de la piscine de Morris est donc une façon d’étudier sur des rats et des souris le fonctionnement du cerveau et les effets de certaines maladies sur la mémoire et l’apprentissage.

Par exemple, un rat atteint d’une maladie perturbant sa mémoire va avoir beaucoup de difficultés à retrouver la plateforme, malgré la répétition de l’expérience, alors qu’un rat sain va y arriver plus facilement.

D’autres expériences permettent aussi d’étudier la mémoire spatiale des rongeurs : le labyrinthe de Barnes, par exemple, que tu peux voir en photo ci-dessous, reprend un peu le même principe que la piscine de Morris, mais sans eau, cette fois-ci. Dans ce test, l’animal est placé sur une table circulaire entourée de trous, et doit trouver parmi ceux-ci lequel conduit à une boîte dans laquelle il peut se réfugier.

Souris sur un Barnes maze

Photo extraite de la page “Barnes maze” – Wikipédia

Auteur de l’article : Audrey Hamon, Master IMST, Laboratoire COMETE U1075, Université de Caen Normandie/Inserm

Sources :

– Photo du rat : DirCom Université de Caen Normandie

– Le test de la piscine de Morris – L ES TESTS COMPORTEMENTAUX (123dok.net)

– Evaluation de la mémoire spatiale : Piscine de Morris (123dok.net)

– Mémoires de rat… (researchgate.net)

– Article original de R. Morris : Spatial localization does not require the presence of local cues – ScienceDirect

– Courbe d’apprentissage et vidéos : Laboratoire COMETE U1075, Université de Caen Normandie/Inserm (Lucas Gephine)

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