Une molécule fantastique : l’ocytocine

J’ai eu l’occasion il y a peu de temps d’assister à une conférence épatante d’un chercheur de Strasbourg : Marcel Hibert. Comme il est chercheur en chimie et que je ne suis pas chimiste, j’ai eu un peu peur de ne rien comprendre, mais sa conférence était tout à fait abordable, amusante et très intéressante !

Il nous a donc parlé d’une molécule fascinante, que l’on appelle l’ocytocine. Voici sa représentation… 

La molécule d’ocytocine.

C’est une molécule très conservée dans l’évolution des espèces et on la retrouve chez toutes les espèces animales sexuées (qui nécessitent pour se reproduire deux individus de sexes opposés) et ce, depuis plus de 700 millions d’années !
On en avait déjà parlé sur Kidi, en expliquant que cette molécule est surtout connue pour son rôle dans l’accouchement (elle permet les contractions de l’utérus pour faire sortir le bébé) et l’allaitement (elle permet l’éjection du lait quand le bébé tète).
On sait maintenant que l’ocytocine fait bien plus que ça et qu’elle intervient dans de nombreuses fonctions très complexes du cerveau !

En voici quelques exemples :

  • Lorsque la maman est enceinte puis qu’elle accouche, elle fabrique de grandes quantités d’ocytocine. Une étude scientifique suggère que cette cette ocytocine permet, une fois que le bébé est là, de s’attacher à lui et donc d’avoir envie de s’en occuper. Du côté du bébé aussi ! Lorsqu’il est dans le ventre de sa mère, il va recevoir de grandes quantités d’ocytocine ce qui va, en quelques sortes, le relier à sa mère. Une fois que le bébé est né, il va téter le sein de sa mère pour avoir du lait ce qui va encore renforcer son attachement à elle car il va associer le plaisir de la tétée à la présence de sa mère (son odeur, son visage, le son de sa voix, etc.), tout cela dans un bain d’ocytocine.

  • Des études scientifiques ont montré que l’ocytocine participait à la fidélité chez de petits rongeurs, les campagnols. Ils se sont aperçus que les campagnols des prairies formaient des couples très stables qui duraient toute leur vie et qu’ils s’occupaient très bien de leurs petits. A l’inverse, ils ont remarqué que les campagnols des montagnes n’étaient pas très fidèles, vivaient plutôt célibataires et ne s’occupaient pas bien de leurs petits. Lorsqu’ils ont dosé les taux d’ocytocine circulant dans le sang de ces petits animaux, ils ont trouvé que les campagnols des prairies avaient beaucoup d’ocytocine alors que les campagnols des montagnes avaient de faibles taux d’ocytocine !
    Pour vérifier la participation de l’ocytocine à ces comportements, ils ont administré aux campagnols des prairies des produits chimiques qui bloquent l’activité de l’ocytocine et se sont rendus compte qu’ils devenaient infidèles, célibataires et s’occupaient moins de leurs petits. Inversement, quand ils ont stimulé l’activité de l’ocytocine aux campagnols des montagnes, leur comportement s’est modifié, ils sont devenus fidèles, monogames et de bons parents !

  • Une chercheuse américaine (Diane Witt) et son équipe ont montré que si l’on empêche la libération naturelle d’ocytocine de rattes qui viennent de mettre bas, elles vont rejeter leurs propres ratons. À l’inverse, si on injecte de l’ocytocine à une ratte qui n’a jamais eu de contacts avec un mâle, alors elle va prendre soin des petits d’autres mères comme si c’étaient les siens.
  • Un grand nombre d’études montrent que c’est bon pour la santé d’avoir des relations sociales, surtout lorsqu’on vieillit. Jusqu’à présent, on ne savait pas vraiment comment les relations sociales pouvaient influencer le vieillissement. Très récemment, des scientifiques ont montré que l’ocytocine pouvait être l’un des chaînons manquants.
    Petite explication :
    A l’intérieur de nos cellules, il y a un noyau qui contient de l’ADN (si tu ne te rappelles pas ce qu’est l’ADN, regarde cette expérience qu’on t’avait proposée sur kidi). Cet ADN est organisé en chromosomes qui sont de sortes de pelotes d’ADN. Aux extrémités des chromosomes, il y a des parties qui s’appellent les télomères. On sait maintenant que quand on vieillit, les télomères deviennent plus petits et ce phénomène est responsable du vieillissement des cellules.
Au bout des chromosomes, se trouvent les « télomères »
  • Des scientifiques ont montré que lorsqu’on laisse des rats vivre ensemble avec d’autres rats (ce qui va leur permettre d’avoir beaucoup de relations entre eux), ils vieillissement mieux et ils ont des télomères dont la taille est conservée. Ils ont aussi montré que ces rats avaient plus d’ocytocine dans leur sang et que c’était cette ocytocine qui permettait de conserver la taille des télomères, donc de préserver les cellules donc, certainement, d’être en meilleure santé.

L’ocytocine est aussi impliquée dans d’autres comportements comme la bravoure (le courage), l’altruisme (le fait de se soucier des autres), la confiance, l’empathie (le fait de se mettre à la place des autres), le sentiment d’appartenance à un groupe, le baiser et les caresses… Mais elle est aussi impliquée dans des maladies, surtout des maladies psychiatriques comme la dépression, l’autisme ou la schizophrénie et elle pourrait servir un jour de base pour de nouveaux médicaments (des essais, certains très positifs, ont déjà été effectués).

Ce qui assez amusant dans tout cela c’est que l’ocytocine est impliquée dans les liens d’attachement entre les individus d’une même espèce. Mais attention, même si toutes ces études montrent que l’ocytocine régule des comportements sociaux, il serait beaucoup trop réducteur d’associer un comportement à une molécule, il y a aussi beaucoup d’autres facteurs dont on n’a pas parlé ici et qui entrent en jeu dans ces comportements complexes.

Texte : Valentine Bouet
Illustrations : Elsa Bouet

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