De grosses tours et des nuages…

Tu te souviens, il y a quelques temps nous avions consacré quelques articles à la production d’électricité : comment apparaît un courant électrique dans un circuit et comment fonctionnent les centrales (thermiques, nucléaires, éoliennes…) à retrouver ici et .
Aujourd’hui, nous allons juste nous arrêter sur les grandes tours qui se voient de très loin, et qui sont souvent associées à l’image d’une centrale nucléaire. Je veux parler de ceci.

Alors les questions classiques que tu peux te poser sont les suivantes :
– qu’est-ce donc que cette tour et à quoi sert-elle ?
– comment fonctionne-t-elle ?
– quelle est la nature du nuage blanc qu’on voit au-dessus de cette tour ?
– est-ce une spécialité des centrales nucléaires ?
– est-ce dangereux ?

La tour : son nom et sa fonction
Il s’agit d’un réfrigérant atmosphérique ou aéroréfrigérant.

Tout d’abord, il ne s’agit pas (comme on pourrait le penser en regardant certaines émissions à la télévision) d’une cheminée d’usine crachant plein de polluants atmosphériques voire des particules radioactives…
Non non, rassure-toi, rien de tout cela. C’est tout simplement un gigantesque échangeur de chaleur* (jusqu’à 170 m de haut pour les plus grosses centrales nucléaires) qui permet de refroidir une eau trop chaude.

* Un échangeur de chaleur c’est un dispositif qui permet à un fluide (liquide ou gaz) chaud de transférer une partie de sa chaleur à un fluide plus froid. Pour cela ils doivent être mis en contact : c’est le rôle d’une surface d’échange. Un radiateur par exemple est un échangeur de chaleur.

C’est une construction en béton en forme de cheminée qui se resserre puis s’évase. Le véritable nom de la forme est un « hyperboloïde » : la surface balayée par une hyperbole* qui tourne autour d’un axe. Bon, normalement, tu verras cela en classe de seconde… mais les programmes changent assez vite de nos jours.

Bref, cette forme particulière a une importance pour son fonctionnement, comme nous le verrons un peu plus loin.

Cette installation est souvent utilisée par les centrales thermiques ou nucléaires sauf en bordure de mer ou de rivière (dans ce cas, c’est l’eau de mer ou de rivière qui va assurer cette fonction de refroidissement)…
Néanmoins, même sur les côtes ou proche des rivières, des contraintes environnementales imposent aux industriels de ne pas trop prélever dans les ressources en eau et surtout de ne pas rejeter des eaux trop chaudes i nous voyons des réfrigérants).

Mais pour quoi faire exactement ?
Souviens-toi, dans cet article sur la production électrique. Nous avions dit :

des réactions nucléaires ou une combustion dégagent beaucoup de chaleur : celle-ci est utilisée afin d’obtenir une vapeur à haute pression et haute température qui pourra entraîner une turbine.

… Un circuit de refroidissement est nécessaire pour condenser la vapeur après son passage dans la turbine
… Ces formes évasées sont des réfrigérants atmosphériques : un autre moyen d’avoir de l’eau bien froide pour condenser la vapeur

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En sortie de turbine, que ce soit dans une centrale nucléaire ou thermique, la vapeur est condensée en eau liquide pour recommencer un tour dans le circuit. Pour cela, elle circule dans un échangeur appelé « condenseur ». Un fluide froid (un autre circuit d’eau) va récupérer la chaleur contenue dans la vapeur en circulant dans les tubes du condenseur.

Mais cette eau de circulation qui entre froide dans le condenseur, se réchauffe. Il faut donc la refroidir : c’est la fonction du réfrigérant.

Le principe du refroidissement
Une conduite permet d’acheminer l’eau chaude à l’intérieur du réfrigérant. Celle-ci circule alors dans des systèmes qui permettent de la pulvériser (tubes de distribution) : le but est d’obtenir de nombreuses gouttelettes qui retombent et entrent en contact avec l’air.  L’air s’engouffre par le bas et passe sous la coque.

L’air frais et les gouttelettes d’eau chaude se rencontrent et un échange de chaleur opère. L’air au contact de l’eau se réchauffe, et l’eau au contact de l’air plus froid se refroidit… Mais cela n’est qu’une petite partie de l’histoire !
Voici ce que ça donne de plus près…

La zone où l’air s’engouffre, et la retombée des gouttes d’eau
A l’intérieur du réfrigérant : les conduites d’arrivée d’eau pour la dispersion et les zones de ruissellement situées en dessous

Reprenons… L’air qui se réchauffe devient moins dense : à plus haute température les molécules s’agitent plus fort et occupent plus de place. L’air a donc tendance à « monter » dans la tour. La forme particulière (un « hyperboloïde ») permet de créer un tirage efficace qui accélère la circulation d’air.
En montant, l’air permet de créer une dépression favorable à l’évaporation d’une partie de l’eau à refroidir… Car c’est bien là le cœur du principe du réfrigérant : tout est mis en oeuvre pour favoriser l’évaporation de l’eau.

La raison en est simple : le fait d’évaporer une partie de l’eau, la refroidit. Tu as sûrement remarqué que tu avais particulièrement froid lorsque tu sortais de la douche ! Lorsque tu es sec, par contre, même sans vêtement, tu as beaucoup moins froid.
Alors pourquoi l’eau s’évapore-t-elle et pourquoi y a-t-il refroidissement ?

Lorsqu’un récipient contient un liquide, il y a toujours au-dessus de la surface, certaines molécules d’eau passées en phase vapeur : l’air environnant est donc humide. Ceci est dû au fait que les molécules de la surface ont toujours plus de facilité que celles coincées en dessous de s’échapper de l’emprise des autres molécules. Mais pour cela, elles ont besoin d’énergie (et même pas mal) : elles la prennent donc aux autres molécules restées à l’état liquide.
L’eau se refroidit mais une petite partie s’est évaporée !

Peut-on accélérer le phénomène, et donc augmenter le refroidissement ?
Oui, si on accélère la vitesse de l’air : tout comme lorsqu’on souffle sur nos mains mouillées…cela donne une singulière sensation de froid !

La forme particulière de la tour est donc choisie pour accélérer la vitesse de l’air et accentuer l’évaporation.
L’évaporation n’est donc pas un effet secondaire mais bien l’effet recherché pour refroidir absolument une eau trop chaude.
L’eau refroidie retombe alors en pluie dans une piscine ou un bassin d’eau.

Que voit-on en haut de la tour ?

Comme nous venons de l’expliquer, une partie de l’eau s’évapore. La vapeur d’eau formée va va se mélanger à l’air qui l’emporte et s’échappe ainsi hors du réfrigérant par son sommet. Lorsque le temps est humide ou lorsque l’air extérieur froid, la vapeur se recondense alors rapidement. Ce que tu vois s’échapper, tout blanc n’est rien d’autre qu’un nuage… et comme tu es très assidu à Kidiscience, tu sais exactement ce que sont les nuages. Souviens toi de cet article, nous t’avons expliqué ceci…

Les nuages sont des collections de petites gouttelettes d’eau et/ou de cristaux de glace dans l’atmosphère en concentrations assez grandes pour être visibles. Il ne s’agit donc pas  de vapeur d’eau comme on le croit souvent…

Bref, ce que tu vois au-dessus du réfrigérant, n’est pas de la fumée, et encore moins des particules radioactives, c’est ni plus ni moins que de l’eau sous forme de gouttelettes fines.

Mais alors on perd de l’eau ?
Oui, bien sûr environ 1 à 2 % de la quantité d’eau de départ est perdue. Il faudra donc en rajouter à un moment ou un autre.
L’étape de dimensionnement du réfrigérant, lorsque le fabriquant (par ex. Hamon) cherche à calculer les dimensions de la tour, est primordiale. On doit tenir compte du refroidissement qu’on souhaite mais aussi des conditions météo du site : cela  permet d’optimiser cette « perte » par évaporation : elle est nécessaire pour refroidir mais elle ne doit surtout pas être trop élevée pour éviter de faire trop d’appoint en eau.

Y a-t-il d’autres systèmes permettant d’éviter ces grosses tours qui occupent beaucoup de place ?
Déjà, nous venons de parler des réfrigérants à tirage naturel. Mais d’autres réfrigérants incluent dans leur circuit un ventilateur situé sous la coque qui permet d’accélérer la vitesse de circulation d’air. Cette configuration réduit fortement les dimensions et la hauteur des tours.

Dans les sites où la ressource en eau est rare, on privilégie d’autres solutions. Une autre technique est alors apparue sur le marché de façon à permettre le développement de nouveaux moyens de production en électricité tout en cherchant à économiser les ressources en eau  : le condenseur à air. Et là, on n’utilise plus d’eau mais uniquement l’air : tu t’en doutes, c’est beaucoup moins efficace, mais on ne peut pas tout avoir !

Auteur : Pascale du blog Le Monde et Nous
Illustrations : Stéphanie (son site Stef Comics)

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