Une voleuse dupée

L’abeille, l’araignée, la mouche et la fleur … cela pourrait être le titre d’une fable. C’est une histoire assez cruelle que je vais vous raconter aujourd’hui.

Cette histoire est inspirée par les résultats de recherche scientifique récente menée par des chercheurs autrichiens de l’université de Salzburg. Ils ont mis en évidence une remarquable supercherie mise en place par l’espèce sud-africaine Ceropegia sandersonii (surnommée justement « plante parachute » à cause de la forme de ses fleurs) pour attirer son pollinisateur, la mouche Desmometopa.

Mais quel rapport avec l’abeille ? Et avec l’araignée ?

Quatre à six pour cent des plantes attirent leurs pollinisateurs par toutes sortes de tricheries. Par exemple, l’imitation de la forme et des couleurs des femelles attire les pollinisateurs mâles à la recherche de partenaires sexuels. La tromperie peut être aussi chimique et les plantes peuvent alors exploiter certaines préférences olfactives des animaux.

L’article dont il est ici question décrit, en effet, un exemple bien particulier où une plante imite l’odeur de l’aliment favori d’un insecte pour l’attirer. La mouche Desmometopa est le principal pollinisateur de la plante parachute. Elle est par ailleurs connue pour se nourrir des abeilles (plus précisément des sucs que ces malheureuses libèrent lorsqu’elles sont capturées par des araignées). On qualifie ce comportement particulier de cleptoparasitisme : les mouches « volent », comme des cleptomanes, la proie des araignées et parviennent à se nourrir en faisant l’économie de la capture.

Dans cette course à la tricherie, la mouche n’est cependant pas gagnante, puisque les chercheurs ont montré que la plante parachute produit des composés chimiques odorants identiques à ceux que l’abeille produit lorsqu’elle est attaquée. L’expérience montre que ces composés sont bien reconnus par les récepteurs olfactifs de la mouche, au niveau des antennes. Et, ils attirent la mouche de la même façon que ne le font les composés extraits de l’abeille.

Ainsi la plante parachute attire la mouche en libérant des substances mimant l’odeur de sa principale ressource alimentaire (les abeilles blessées). La mouche est trompée et attirée à l’intérieur de la fleur, où emprisonnée, elle se charge de pollen. La fleur finit par la laisser s’échapper. L’insecte est alors libre jusqu’à ce qu’elle visite une autre fleur, pour cette fois y déposer le pollen dont elle s’est couverte.

Illustrations : Jean-Michel Boulaire

Donc, si je résume… L’araignée attaque l’abeille, qui blessée produit des sucs qui attirent la mouche… La mouche vole donc l’abeille que l’araignée a tuée. Mais la plante qui a besoin de la mouche pour disséminer son pollen produit des substances qui miment l’odeur de l’abeille blessée. La mouche s’approche croyant trouver une proie facile et se retrouve enfermée dans la fleur, contrainte à produire un travail de pollinisation pour la fleur. Elle a été bernée !

C’est finalement la plante qui a le dernier mot.

Au-delà de la petite histoire, cette pièce à quatre personnages, est un bel exemple d’évolution croisée, ou de co-évolution. La capacité à produire des molécules odorantes particulières a été sélectionnée chez la plante parachute parce qu’elle lui donne un avantage et favorise sa reproduction. La plante s’est adaptée au goût alimentaire de son pollinisateur, la mouche. Ces deux espèces ont donc bien évolué ensemble.

Pour en savoir plus

Ceropegia sandersonii Mimics Attacked Honeybees to Attract Kleptoparasitic Flies for Pollination. Annemarie Heiduk et al. Current biology, 5 octobre 2016

http://www.cell.com/current-biology/fulltext/S0960-9822%2816%2930879-X

https://www.sciencenews.org/article/flower-lures-pollinators-smell-honeybee-fear

Article écrit par : Laurence Denis du blog Ricochets

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